Témoignage d’Abdul RUZIBIZA

 

 

 

Bovenkant formulier

AbdulRUZIBIZA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

OP 1920 LT ABDUL RUZIBIZA

RUZIBIZA J- ABDUL

4647 Breinnasen

NORGE.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PS: Je préfère donner ma photo et mon adresse, pour que mes allégations ne soient pas prises pour anonymes et pour éviter que personne n’ait à penser qu’elles ont pour origine, des gens ramassés dans la rue, comme l’a affirmé le Président Kagame à Bruxelles.

 


Communiqué de presse

 

 

 

Suite à l’annonce de l’existence d’une enquête sur le crash de l’avion qui transportait le Président Juvénal Habyarimana et son homologue du Burundi, avec neuf autres personnes originaires de trois pays différents : Rwanda, Burundi et France, les journaux, les radios et les télévisions internationaux se sont pressés de diffuser cette information ; cet avion appartenait au régime de l’aviation civile et survolait une zone démilitarisée ; certains des journalistes savaient comment me localiser et ils m’ont contacté pour demander si je pouvais confirmer que les allégations des journaux émanaient réellement des sources citées, sources dont je fais partie. J’ai affirmé qu’il en était ainsi.

 

 Cependant, considérant la distorsion de l’information à travers les canaux de sa diffusion, je préfère livrer personnellement ces renseignements, au lieu de les laisser transmettre tels qu’ils n’ont pas été vécus. Concernant les enquêtes en cours, je ne suis pas un agent de l’institution judiciaire. J’ai été interrogé avec d’autres sur ce que nous savions, et nous avons répondu. Si j’ose donner seul ce témoignage, c’est que mes camarades craignent d’être assassinés par Kagame s’ils s’exprimaient sur ce sujet. Ce n’est pas la première fois qu’il fait ça.

 

Moi je préfère rompre le silence, pour apporter mon témoignage sur la responsabilité du FPR/APR dans le génocide des Tutsi, les massacre des Hutu au cours de la guerre qu’il eut à mener et à laquelle j’ai pris part. Je tiens à ce que les Rwandais et l’opinion internationale comprennent d’avantage ce qui s’est passé au Rwanda, parce que jusqu’à présent, seule la version des faits et leur interprétation faite au gré des intérêts du FPR ont été rendues publiques.

 

Au moment où nous nous préparons à commémorer le génocide qui a emporté nos êtres les plus chers, il est temps que la vérité soit connue ; il y a dix ans que Kagame s’est autoproclamé le sauveur des Tutsi, alors que c’est lui qui a rendu possible leur extermination, et qui nous a même empêchés de leur venir au secours, alors que nous en avions les moyens.

 

En annexe de ce communiqué de presse, vous trouverez un témoignage détaillé sur ce qui se tramait sur le territoire occupé par le FPR. Mon intention est de libérer les Rwandais tenus en otage par le mensonge que le génocide a été arrêté par « un homme », en leur racontant la vérité.

 

Ce qui rendrait possible la réconciliation des Rwandais.

 

Je vous remercie.

 

Abdul Ruzibiza

Se

Dimanche 14-03-2004

 

 


Témoignage visant à démontrer comment le Gouvernement rwandais et le FPR sont responsables des erreurs qui ont rendu possible le génocide.

Est-ce que le FPR est venu secourir les Tutsi, comme on nous l’a souvent répété ?

 

Après la publication de l’enquête sur le crash de l’avion civil qui transportait onze personnes dont des hautes personnalités civiles et militaires du Rwanda, du Burundi et de la France, parmi lesquelles on comptait deux présidents, Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi, les journaux dont on ignore comment ils ont accédé au rapport détaillé de l’enquête s’en sont faits largement l’écho ces derniers jours.

 

Pour ce qui me concerne, je vais fournir mon témoignage sur le fonctionnement du FPR et de sa branche armée APR parce que j’ai appartenu à ces deux organisations avant de prendre le chemin de l’exil. Je prends cette initiative au motif que cette information véhiculée par les médias a été déformée au profit de ces derniers en m’attribuant des paroles que je n’ai pas prononcées, ce qui a servi l’argumentaire de ceux qui avaient avantage à continuer à nier la vérité sur ce qui s’est passé.

 

Je commence par décliner mon identité :

 

Je m’appelle RUZIBIZA, baptisé Vénuste quelques jours après ma naissance. Depuis le début de mon engagement au service de la Famille (FPR), l’on m’a surnommé ABDUL comme mon nom de code. Je l’ai gardé jusqu’à mon entrée dans l’armée en 1990. Les raisons de cela c’est que lors de l’entrée à l’armée, les membres de la Famille nous transmettaient les uns aux autres jusqu’à notre arrivée dans la zone contrôlée par le FPR Inkotanyi. La liste de ces noms de code nous précédait. Si à la demande de ton nom, tu répondais par un nom inconnu, tu étais tué à la vieille houe. Tu étais pris pour un infiltré dans le système du FPR. Par après, quand j’ai décidé de me convertir au protestantisme, j’ai choisi le nom de Josué. Pour tous ces noms, je n’ai jamais nié qu’ils m’appartenaient. A l’armée, toutes les années que j’y ai passées, je portais le nom de RUZIBIZA Abdul. J’ai fui le Pays dans la nuit du 3 au 4 février 2001. J’avais le grade de sous-lieutenant, mon numéro de matricule est OP 1920.

 

Je suis né à Gitagata, commune Kanzenze au Bugesera. Je suis d’ethnie tutsi, issu du clan des Abanyiginya, dans la famille des Abahindiro. Ma mère est aussi de l’ethnie tutsi du clan des Abatsobe. Je suis de souche tutsi des deux côtés, et je suis orphelin de père et de mère. Mes deux parents et mes six frères et sœurs ont été tués, victimes du génocide de 1994. J’ai été témoin oculaire des événements dont je vous raconte le déroulement ; je le dis en ma qualité de membre de l’armée et de la Famille du FPR, comme l’un des militaires de l’APR qui se sont battus pour le contrôle de leur zone de combat, je le dis aussi comme appartenant à l’ethnie tutsi. Je voudrais surtout que ceux qui auront l’occasion de lire mes écrits puissent savoir la vérité sur certains événements de grande importance, qui ont marqué la longue marche déclenchée par le FPR, mais qui, parvenant au point où il fallait libérer le pays, commit l’erreur fatale, qui a engendré la tragédie du génocide.

 

 


Il y a des principes auxquels je crois

 et que rien ne saurait mettre en doute :

 

1.      Je suis convaincu qu’il fallait engager la guerre contre le régime de Habyarimana parce qu’il déniait certains droits fondamentaux à la plupart de ses concitoyens comprenant principalement les Tutsi. Je crois pourtant que d’autres voies qui ne sont pas le recours à la guerre auraient dû être essayées avant de prendre les armes. Cependant, aucun autre pays n’était disposé à nous fournir des armes, car la NRA était la seule armée nationale d’un pays capable de nous aider. Les relations personnelles entre Rwandais et les nationaux au sein de l’armée ougandaise, émaillées souvent de mépris à l’égard des Rwandais dans un pays pour lequel ils s’étaient battus, sont l’une des causes principales qui ont poussé les Rwandais à vouloir quitter le territoire ougandais, sans compter sur la patience que pouvaient exiger de longues négociations qui pouvaient aller jusqu’à cinq ans.

 

2.      Je suis convaincu qu’il y a eu préméditation du génocide des Tutsi, planifié par les hauts dirigeants du Pays et les échelons chargés de la sécurité. Il a été exécuté par la population hutu, à l’exception de quelques Tutsi qui s’étant transformés en Hutu y ont participé. Je suis convaincu que ce génocide n’aurait jamais été possible sans les éléments qui l’ont déclenché, parce que même si les Hutu avaient été pris de folie, il n’était pas possible qu’ils se réveillent le matin et aiguisent leurs machettes pour découper les Tutsi jusqu’à un million de personnes. Je suis également convaincu que le FPR par sa branche armée l’APR a tué avec préméditation, sur ordre et le regard attentif de son Chef Paul Kagame. En plus, je suis convaincu que le génocide a été le résultat des problèmes soulevés par la guerre déclenchée en 1990, surtout par le comportement de l’APR dans les régions qu’elle avait conquises. Je vais expliquer ceci plus tard.

 

3.      Je suis convaincu et j’affirme que l’APR a massacré les gens de toutes les ethnies confondues, avec l’objectif de semer l’anarchie pour faciliter sa prise de pouvoir, au prix même de l’extermination de tout un peuple.

 

4.      Je ne crois pas du tout que le FPR et son armée, moi-même y compris, aient jamais arrêté le génocide. Plutôt, je suis convaincu que nous avons chassé l’armée des FAR, les Interahamwe, les Impuzamugambi de la CDR et la jeunesse affiliée, ainsi après avoir brisé les forces qui appuyaient le Gouvernement, nous nous sommes emparés du pouvoir. Je vais expliquer ça aussi.

 

5.      Je suis convaincu et j’affirme que les corps exhumés des fosses communes ne sont pas seulement ceux de Tutsi, parce que je connais des fosses communes où les Inkotanyi ont jeté pêle-mêle les corps des personnes qu’ils tuaient, ils ont été inhumés ensemble en les qualifiant tous des Tutsi.

 

6.      Je suis convaincu que si le FPR l’avait voulu, le génocide n’aurait pas dû avoir lieu. Je suis convaincu que si même le Gouvernement et les Interahamwe avaient envisagé d’exterminer les Tutsi dans le cadre du génocide, l’APR venait d’acquérir la puissance qui lui permettait de réduire les dégâts d’un million de morts à moins de cent mille. Ceci veut dire que le FPR n’a pas apporté son assistance aux personnes menacées alors qu’il en avait les moyens. Je vais en fournir des explications.

 

7.      Je suis convaincu qu’après notre prise de pouvoir qui s’est accompagnée de massacres de population, d’actes d’arrestations arbitraires et de la guerre d’agression du Zaïre, il est impossible pour le régime actuel de procéder à la mise en place d’une justice impartiale, parce que les magistrats seraient directement ou indirectement impliqués dans ces horreurs sous la menace et la pression du Sieur Kagame qui dicte sa volonté à tous, dans sa position actuelle à la tête du Pays.

 

8.      Je crois du fond de mon cœur que les allégations sur la responsabilité du Président Paul Kagame qui a donné l’ordre d’abattre l’avion de Habyarimana, sont véridiques. Les témoignages qui en ont été donnés n’émanent pas tous de moi, je n’en suis pas capable, je ne pouvais pas être partout pour assister personnellement à tout ce qu’on raconte. Les témoignages émanent de plusieurs sources, des exilés et même de ceux qui n’ont pas fui le pays. Moi j’ai décidé de parler aux radios et aux télévisions internationales, parce que les moyens à ma disposition le permettent. Personne n’ignore que tout individu qui non seulement tenterait de parler de l’inculpation de Kagame, mais qui tout simplement se permettrait de manifester sa seule intention de le mettre en accusation, s’exposerait à être tué avant qu’il n’ait eu le temps de dire quoi que ce soit. Les tribunaux internationaux ou d’autres instances qui en recevront les compétences d’agir légalement pourront décider si le fait d’abattre l’avion a eu lieu, en disposant des preuves et des motifs qui permettent de désigner Kagame comme auteur de ce crime ou de déterminer que c’est lui qui a donné l’ordre de le commettre. Contentons nous de leur laisser le temps, ceux qui nient ces faits et ceux qui les affirment auront l’occasion de s’affronter devant les tribunaux. Moi je peux parler jusqu’à la limite de mes connaissances, les autres se relayeront au fur et à mesure.

 

9.      Je suis convaincu que les Rwandais viennent de passer 10 ans sous la férule de soldats maquisards, les Rwandais ont perdu confiance les uns dans les autres, personne ne peut s’exprimer librement ou pointer du doigt la responsabilité du FPR dans les atrocités de la guerre baptisée guerre de libération. Si des informations sur le déroulement de cette guerre étaient rendues accessibles à un plus grand nombre de gens, beaucoup d’explications sur l’origine de la tragédie seraient trouvées, et ainsi la réconciliation pourrait se fonder sur des bases de la vérité qui s’en dégageraient.

 

10.    Je crois du fond de mon cœur que tous ceux des dirigeants du pays qui passent leur temps avec les radios et les télévisions pour démentir les résultats de l’enquête en les qualifiant de manipulation de l’État français veulent détourner l’attention de la population de la vérité sur les crimes qu’ils ont eux-mêmes commis. Quant au Président Kagame, il a dit que ces rumeurs qui sont assemblées de gauche à droite ne veulent rien dire à ses yeux. Je vois les choses autrement et il ne tardera pas à se rendre compte qu’il s’est trompé, à part que ses erreurs ont provoqué la perte d’innombrables vies humaines

 

 

De la création du FPR

et de sa branche armée l’APR

 

Je n’ai pas le temps de revenir sur l’histoire, mais le FPR est un collectif de petites associations d’anciens réfugiés rwandais dans les différents pays. Je vais insister sur les jeunes âgés de 15 ans et plus qui poursuivaient leurs études au Burundi, en Tanzanie, au Zaïre et en Ouganda. Ce furent des pépinières de recrutement de l’armée. Les premiers s’étaient fait recruter par la NRA, les autres ont rejoint au début ou au cours de la guerre. L’important c’est que les plus jeunes avaient grandi en nourrissant la conviction que les aînés qu’on appelait Inyenzi, s’étaient très mal comportés pour ne pas remporter la victoire pour laquelle ils s’étaient battus. Le FPR s’est d’abord installé dans les têtes des jeunes dans l’espoir que tout le problème sera résolu par eux, c’est à dire par l’armée, puisqu’ils envisageaient pas une autre stratégie que celle de se battre pour leur pays. Bref, les gens s’étaient préparés à résoudre le problème par la voie militaire et pensaient que tout allait dépendre des rapports de force. C’est pourquoi, le Chef d’Etat Major de l’Armée Paul Kagame, était beaucoup plus puissant que le Président du FPR.

Depuis le commencement, j’ai personnellement constaté cette erreur parce que les conséquences continuent d’envenimer la situation et qu’actuellement cet état de fait n’a pas changé. Ce sont les militaires, leur hiérarchie, et leurs services de renseignements, qui dirigent le Pays.

 

Sur la question relative aux motifs qui ont poussé le FPR à attaquer immédiatement après sa fondation, sans attendre les résultats des négociations que le Rwanda menait avec l’Uganda sur le problème des réfugiés rwandais, le FPR tenait à les faire échouer tout en ayant trouvé le prétexte d’attaquer.

 

Le Président Museveni était accusé d’avoir recruté trop de Rwandais dans l’armée ougandaise parce que les Rwandais étaient nombreux à y occuper des postes d’officiers supérieurs. Les exemples de ceux qui étaient désignés comme Rwandais qu’ils le veuillent ou non étaient nombreux : Major Général Fred Gisa Rwigyema, Major Général Mugisha Muntu, Colonel Mateeka, Lt Colonel Adam Wasswa, Major Cris Bayingana, Major Peter Bayingana, Major Samuel Kanyemera Alias Kaka, Major Paul Kagame, Major Ndungutse, Major Kale Kayihura du Bufumbira, et d’autres officiers subalternes dont des capitaines et des lieutenants, comme Twahirwa Louis, Musitu, Karangwa Bombi, Gashumba, Cyiza, Bagire, Ngoga, Muhire, Kaddafi, Nyamurangwa, Musana, Bigabiro… ; On ne peut pas tous les énumérer, et la plupart d’entre eux étaient des commandants de compagnies ou plus. Ce qui irritait le plus les Ougandais, c’était que les Rwandais s’étaient emparés des places importantes au sein des postes les plus stratégiques : les services de renseignements et des finances militaires, les gardes présidentielles et celle de Rwigyema ; les autres dirigeaient les opérations militaires. Cela irritait les nationaux et provoquait des tensions entre les Ougandais et les Rwandais. Ceux qui ont choisi la date du 1er octobre 1990 pour déclencher la guerre ne trouvaient d’autres solutions que d’agir comme ils ont fait.

 

Octobre 1990

 

Beaucoup n’ont pas cru que les Rwandais s’étaient évadés des camps militaires ougandais, mais réellement ils ont déserté de l’armée ougandaise. Mais ceci ne veut pas dire que le Président n’était pas informé par ses services de renseignements. Cependant en suivant la procédure militaire, le dernier qui traitait les renseignements à faire parvenir au Président Museveni était un Rwandais, comme celui à qui il confiait ses secrets. Ceux qui ont franchi la frontière les premier et deuxième jours de l’offensive formaient un effectif un peu supérieur à 3 000. Personne n’avait envie de s’opposer au départ de gens pareils, surtout que l’on se disait : « Partez vite pour que nous puissions récupérer nos postes ».

 

Les erreurs commises :

 

Rwigyema a été vite tué par certains de ses soldats ; ceux qui ont planifié son assassinat se sont abstenus de reprendre la direction de l’armée pour ne pas être découverts ; on pouvait immédiatement les soupçonner d’avoir agi ainsi pour s’emparer du commandement de cette armée. Il a été tué alors qu’il était le seul à savoir comment il avait planifié la guerre.

 

Quand Kagame fut sollicité par le Président Museveni pour diriger l’APR, les militaires l’ont vite accusé de « Pilato » et ont déclaré qu’ils ne voulaient pas de lui à leur tête. Major Peter Bayingana lui dit : « Vous êtes physiquement et mentalement inapte, comment pouvez vous prétendre diriger des hommes ? » et qu’il devait retourner dire à celui qui l’avait envoyé qu’il était inapte et incapable de diriger les gens. Que si celui qui l’avait envoyé voulait manifester du mépris envers les autres dirigeants des opérations militaires, il n’avait qu’à désigner un militaire ougandais à la tête de l’APR. Pour s’emparer du trône du commandement de l’armée, Paul Kagame revint escorté de plus de 10 jeeps, accompagné du Général Major Salim Saleh et des militaires de PPU de la garde personnelle de Museveni, et ce fut le même jour que Bayingana et Bunyenyezi furent assassinés…

Depuis ce jour, Afande Kagame commença le long voyage qui continue jusqu’à ce jour ; il dirigea d’une main de fer les gens dont il savait qu’ils ne l’aimaient pas du tout.

 

Ceci eut des conséquences néfastes, parce que la direction de l’armée a été confiée à quelqu’un qui n’avait confiance en personne, à tel point qu’il s’occupait personnellement de tous les détails ; il divisa l’armée en factions, la transforma en agents de délation ; fit régner la terreur et la moindre réplique fut sanctionnée par la peine de mort à la vieille houe comme s’il s’agissait de tuer des cochons.

Dans le cadre de la division de cette armée en vue d’assurer sa domination, il introduisit le système de désignation des gens en les cataloguant en « positif 1 », « positif 2 » jusqu’au « positif 5 ». Les positifs 1 étaient ceux en provenance d’Ouganda, ceux-ci revêtaient la confiance partout où ils étaient, 2 s’appliquait à ceux en provenance de la Tanzanie, 3 à ceux en provenance du Burundi, 4 à ceux en provenance du Zaîre, 5 à ceux en provenance du Rwanda. Ces derniers, même s’ils étaient tutsi, devaient attendre au moins deux ans pour mériter la moindre confiance. C’était la même chose pour accéder aux postes de commandement de l’armée, parce que le commandement était monopolisé par ceux en provenance d’Ouganda dans la proportion de 95 %. Les justifications données à cette discrimination étaient qu’ils étaient rompus à l’art martial et qu’ils étaient les seuls capables de diriger les combats. Il n’y a rien de vrai dans tout cela, il s’agissait tout simplement de prétextes pour imposer la domination des « positifs 1 ».

 

Le plus fâcheux était que la moindre faute commise par une recrue francophone était rigoureusement sanctionnée. La peine capitale à la vieille houe était infligée ou l’on vous enfonçait des coups de baïonnette dans le corps jusqu’à ce que mort s’en suive. Le soupçon d’avoir commis une faute, la fatigue quand on ne pouvait plus avancer, l’atteinte de la dysenterie suite aux mauvaises conditions hygiéniques : voilà des défauts pour lesquels on disait : « Voilà quelqu’un qui a pris goût à la vie facile, c’est un chien à abattre qui ne peut être d’aucune utilité ». Quand vous n’étiez plus en mesure de marcher à cause des blessures, on donnait l’ordre de vous achever immédiatement. Ces actes cruels de torture ont diminué suite à la tournée que Paul Kagame effectua au Burundi chez les membres de la Famille où ces derniers lui interdirent de continuer à tuer leurs enfants à la vieille houe comme on tue les cochons. Que s’il n’en voulait plus pour combattre, il n’avait qu’à les laisser repartir et reprendre leurs études. Après cette mise en garde, les gens ont commencé à respirer. Par contre, ceux qui savaient se battre et qui provenaient de l’Ouganda pouvaient commettre les crimes les plus odieux, ils ne subissaient alors qu’une peine d’emprisonnement de courte durée et reprenaient leurs fonctions peu après.

 

 En revenant un peu sur le début de la guerre en octobre 1990, le Général Rwigyema dans sa tactique, avait planifié d’attaquer par le Mutara et par le parc de l’Akagera, localités qui étaient très peu peuplées. C’était avantageux malgré les difficultés rencontrées pour trouver de l’eau et de la nourriture. C’était d’autant plus avantageux, que cela lui permettait de gagner un temps suffisant pour pouvoir expliquer à la population les motivations de la guerre déclenchée par le FPR. Par humanité, Rwigyema se gardait d’être à l’origine des causes qui pouvaient entraîner les populations innocentes dans des tueries et dans des combats qu’on pouvait éviter.

 

Ce n’est pas ainsi que Kagame le concevait, parce que le Mutara ne regorgeait pas de nourriture, parce qu’il n’y avait pas de hauteurs pour se protéger contre les armes lourdes, que dans les bas reliefs on était exposé à tous les tirs ; qu’il était enfin avantageux de passer sur des hauteurs pour réduire le nombre de morts et de blessés. Il faut noter qu’à l’exception des volcans, toutes ces collines étaient densément peuplées par des Hutu, bakiga, dont on disait qu’ils étaient hostiles aux Inkotanyi qui luttaient pour le rétablissement de la monarchie féodale.

 

Dans la région des Volcans, les militaires ont péri massivement. À cause de la faim, du froid, de la dysenterie, chaque unité perdait entre 5 et 10 personnes pendant les 5 premiers mois. Pour Kagame, cela était sans importance, il faisait comprendre à tous que si on refusait d’obéir à ses ordres, il allait faire usage de son pistolet pour se faire obéir par la force. C’était le discours qu’il ne cessait de répéter aux militaires lors de ses visites aux unités.

 

 

Laissez-moi subdiviser la guerre

 en différentes étapes

 

La première étape : le mois de novembre 1990 jusqu’en juillet 1991.

 

Cette étape correspond à la tactique de dissémination des guérilleros dans toutes les directions pour provoquer la dispersion des troupes gouvernementales sur toutes les frontières du pays pour diriger les attaques sur des fronts moins fortifiés. Cet avantage stratégique a été obtenu en ayant recours à une cruauté féroce comme je vais le décrire en me référant à la configuration géographique du Nord.

 

Les attaques dans les localités de Muvumba, Kiyombe, Nkana, Rushaki, Kaniga-Gatuna et dans les environs ont été lancées avec une violence exceptionnelle : condenser les populations dans une même place et les mitrailler indistinctement, violer collectivement les femmes et les filles et les tuer après sous prétexte d’éviter qu’elles ne leur jettent un mauvais sort, chasser les populations et spolier leurs biens, les poursuivre dans leurs déplacements pour les faire mourir de faim, détruire leurs maisons et en vendre les tôles en Ouganda, raser les habitations pour que les propriétaires n’aient plus à songer à y retourner.

 

Du côté de Cyumba, Butaro, Nkumba, Kinigi, Mukingo et dans les régions environnantes, les opérations militaires étaient semblables à celles menées au Mutara. L’important dans tout cela est que les gens comprennent que Kagame était le seul homme à planifier le déroulement des opérations de combat, à désigner les cibles à atteindre, d’en assurer le suivi dans toute son exécution pour qu’aucune autre initiative ne puisse s’effectuer en dehors du plan. Les forces armées de Habyarimana avaient consolidé leur positions de défense de façon qu’il était très difficile de les franchir pour entrer au pays profond. Je peux citer quelques exemples.

 

Au Mutara, dans les localités de Nyagatare, Rwempasha, Kangoma, Mabare, Mutojo, Bushara, Kabuga, Nyabihara, Gikagati, Karama,… chaque militaire Inkotanyi était conscient de l’imminence du danger.

Dans les localités du Centre, Gatonde, Kaniga I, Kaniga 2, Mukono, Kivuye, tout le monde savait qu’on ne pouvait pas s’y aventurer.

À Ruhengeri, les positions les mieux renforcées se trouvaient à Nyamicucu, Butaro-Runaba, Rwabutama, Kinyababa, Muremure, Kagano, Bisate, et partout ailleurs comme à Ruhengeri, Kinigi,… Ce que je veux démontrer c’est que chaque tentative d’attaquer ces localités était violemment repoussée, nous étions mis en déroute. Nous avions à laver la honte de nos échecs en procédant à des représailles sur les populations locales. Voilà comment on s’y prenait : les faire transporter nos blessés et les cadavres, les faire garder et transporter le bétail et les biens leur pillés, leur faire creuser les tombes dans lesquelles elles allaient être enterrées, des fois, on leur ordonnait de s’entretuer jusqu’au dernier, qui était à son tour tué par un militaire. Quand les choses se passaient autrement, les populations étaient enchaînées bras liés aux jambes, on leur brisait le crane avec la vieille houe, on leur enfonçait des coups de couteaux dans les côtes jusqu’à ce que mort s’en suive. Les prétextes pour les tuer aussi atrocement ne manquaient pas, comme demander aux gens de révéler les secrets du MRND, « comment se préparent les militaires à nous attaquer ? », les justifications étaient de ce genre.

 

Quand tous ces actes macabres étaient terminés, nous nous repliions sur notre base arrière en Ouganda. Le mensonge du FPR a commencé depuis lors, le FPR n’avoue jamais ses crimes. Nous avons souvent juré sur notre honneur que nous ne nous trouvions pas sur le territoire ougandais. Cela a continué ainsi jusqu’au déclenchement de la guerre d’agression contre le Zaïre, personne n’a avoué que l’APR avait franchi la frontière zaïroise.

 

Deuxième étape : depuis juillet 1991 jusqu’en juin 1992 :

 

C’est à ce moment que l’APR a tenté d’occuper des portions de territoire le long de la frontière du Mutara aux Volcans. Ceci fut possible dans certaines régions, et impossible dans d’autres. Et pourtant, là où l’occupation fut possible, on y parvenait seulement quand toute la population était exterminée, les rescapés devaient s’enfuir, les autorités du régime Habyarimana ne pouvaient que les regrouper dans des espaces réduits, où ils recevaient des quantités insuffisantes de nourriture, des sheetings pour construire leurs petits abris. Si les chercheurs voulaient connaître les raisons qui ont rendu ce génocide possible, ils devraient commencer par étudier cette situation (1).

 

Le FPR a entrepris la tactique d’attaquer l’ennemi en le contournant, nous lui coupions toutes les voies d’approvisionnement derrière lui. Cette tactique était avantageuse pour les Inkotanyi qui disposaient d’un équipement insuffisant, elle poussait l’ennemi à sortir de ses positions défensives et à s’en éloigner. C’était une tactique attaque défensive parce qu’il n’était pas possible de recourir aux tactiques classiques. Nous étions moins nombreux, et bien moins équipés que les forces gouvernementales. Voici les conséquences néfastes résultant de cette situation :

 

1.      Contourner l’ennemi signifie qu’on évitait la ligne de front entre les armées pour pénétrer dans les zones habitées par la population civile derrière les positions de l’armée gouvernementale. Cette population n’ayant pas confiance en nous, elle dénonçait notre présence auprès de l’armée gouvernementale, qui pouvait nous attaquer après nous avoir localisés et dénombrés. Parmi cette population, celui qui était soupçonné de nous avoir aperçu devait être tué, parce que nous n’avions pas les moyens de le maintenir au secret et ne savions pas combien de temps il fallait rester sur place. Cela veut dire que chaque fois que nous avions à contourner l’ennemi, nous avions reçu l’ordre de tuer toute la population sans pitié.

 

2.      S’aventurer loin de la ligne de front et de nos positions signifiait que nous avions à survivre grâce aux vivres que nous trouvions sur place. Il fallait tuer la population, piller ses biens et détruire les maisons pour nous emparer du bétail : chèvres, poules, vaches, dont nous nous nourrissions. Il arrivait qu’on ait tout ça en abondance pour ensuite le gaspiller ; chacun abattait son animal, en prenait les parties qu’il voulait pour jeter le reste ; pour 20 personnes on abattait 2 vaches, 10 poules, 3 chèvres. Toute personne qui est en contact avec la pauvreté des Rwandais, des Hutu qui n’ont jamais été informés de l’idéologie du FPR, qu’il a seulement vu venir pour tuer ses enfants, violer sa femme, spolier son bétail et piller les biens pour lesquels il avait dépensé toutes ses forces, chasser de sa maison qu’on détruisait ; celui qui veut comprendre comment le génocide a été possible pourrait également commencer par là.(2).

 

3.      Signe de l’épuisement, il est arrivé que les Conseillers de Secteur, les Bourgmestres, les Forces armées demandent à leurs administrés d’élever des chiens au niveau de chaque foyer ou de chaque établissement, pour que par leur flair ils aboient avant l’arrivée des Inkotanyi, et que la population ait le temps de se sauver. Ces pratiques ont fait périr un nombre considérable de citoyens ; la tactique de contournement des positions gouvernementales permettait d’éviter les zones d’habitation de la population, et celle-ci croyant fuir tombait dans les griffes des Inkotanyi qui tuaient tout le monde grâce à l’obscurité de la nuit, sans en laisser un seul s’échapper, sous prétexte qu’il s’agissait d’IBIPINGA (opposants) qui préféraient mourir pour le MRND. Même si j’ai inséré ce paragraphe dans cette étape, chaque fois que les Inkotanyi avaient procédé au contournement des positions de l’armée, ils commençaient par exterminer la population locale.

Piéger avec des mines, tirer sur des bus qui transportaient des voyageurs dans les régions frontalières sont des actes qui ont été effectués de manière quotidienne, à tel point que des mines ont été piégées dans des champs de patates, pour couper les jambes aux paysans et les empêcher définitivement de revenir dans leurs champs. Ceci est triste. Les paysans, obligés de quitter leurs terres, n’avaient rien à manger, ou vivaient simplement du maïs et des haricots ayant abandonné leur bananeraie, sans pouvoir revenir récolter leur manioc, leurs patates, ou leurs légumes. Il fallait plutôt faire en sorte que les populations déplacées aient des occasions de revenir chez elles. La plupart revenaient pour récupérer des vêtements. Et pourtant, les forces armées du FPR avaient reçu l’ordre de les tuer sans autre forme de procès. Que pouvait engendrer le fait de faire mourir les gens de faim, en les empêchant de récolter les fruits de leurs travaux, si ce n’est le génocide ? Celui qui veut savoir pourquoi le génocide a été possible devrait commencer par étudier ce cas (3).

 

4. Les camps de déplacés de guerre avaient été implantés dans des localités bien connues comme celles que je vais citer :

Rukomo-Rwebare (Muvumba), ce camps je l’ai vu plusieurs fois de mes yeux, a été détruit par des armes lourdes comme les mortiers de 120 mm, celui de Rukara, et celui de Mutagomwa ont été détruits à la Lance Roquettes Multiple (LRM) 107 mm, à la Katiusha. À Murangira, de temps à autre le Commandant Kyakabale de l’armée ougandaise prêtait aux Inkotanyi les mortiers 23 mm, 33 mm, 14.5 mm pour détruire les camps pleins de déplacés. Il est arrivé que nous ne soyons plus en mesure de nous expliquer la pensée de nos chefs. Nous étions nombreux à constater que les souffrances causées à la population étaient suffisamment atroces pour ne pas devoir en rajouter d’autres par l’usage des armes lourdes. Ce camp comme bien d’autres, à l’instar de celui de Runaba, Nkumba, Muhambo ont servi à titre d’essai comme champs d’entraînement pour les tirs de missiles antiaériens. On tirait des missiles incendiaires par dessus les camps, et ceux qui s’entraînaient à tirer les missiles transportables à la main, y trouvaient un terrain d’application. Souvent les missiles explosaient au centre du camp pour en tuer les occupants. Ces menaces contraignaient les déplacés à se déplacer à nouveau, pour aller chercher refuge le plus loin possible. Certains déplacés sont arrivés à Nyacyonga, près de Kigali, après avoir été délogés plus de 20 fois en moins de deux ans. Il était impossible que des familles arrivent en entier à Nyacyonga, les déplacés qui fuyaient les camps détruits à l’arme lourde y enterraient d’abord les membres de leurs familles tués : un enfant, une femme, un mari ou un frère, avant de partir. Voici une autre explication de la participation massive au génocide (4).

 

Troisième étape : depuis l’attaque de Byumba au début du mois de juin 1992 au 6 avril 1994

 

L’attaque de Byumba a été lancée à titre d’essai. Le FPR voulait savoir s’il était capable d’occuper à la fois une plus grande étendue du territoire, parce qu’avec l’évolution des négociations, il voulait faire une démonstration de force pour que ses revendications lui soient accordées par la pression de sa puissance militaire grandissante. Je rappelle que toutes les fois qu’il y a eu négociations, Kagame n’a jamais dit à son armée qu’elles pouvaient déboucher sur quelque chose de bon. Il répétait sans cesse que l’arrivée à Kigali n’était possible qu’à l’aide du feu du canon. Ces attaques de grande envergure nous conduisirent jusqu’à Rukomo, au delà de Byumba en direction de Kigali. C’était la même chose à gauche et à droite : Mukarange, une partie de Kinyami, Buyoga, Rushashi, une parte de Ngarama, Cyumba, Kivuye, ; dans toutes ces localités, les gens qui n’avaient pas eu la possibilité de fuir ces attaques furent massacrés. Ce point constitue une énigme aussi, parce que le FPR y a commis une grave erreur. Il est retourné en Ouganda pour inciter les populations à venir au Rwanda récolter la moisson abondante laissée par les déplacés, et à les aider à occuper ce vaste territoire qu’on venait de conquérir pour eux. Les gens ont répondu massivement à l’appel pour rentrer au Rwanda. La nouvelle se répandit rapidement chez les déplacés, ce qui corrobora la propagande du pouvoir qui enseignait que les Inkotanyi étaient venus pour tuer, spolier les propriétés de leurs anciens occupants, restaurer la monarchie féodale, soumettre les Hutu à la domination tutsi et aux corvées connues de l’ancien régime. Voilà une autre voie par laquelle la haine des Hutu s’est attisée jusqu’à atteindre le génocide(5).

 

Au cours de cette étape, le FPR réalisa qu’il était en mesure de conquérir de plus grandes étendues du territoire et de les occuper. Pour que ce soit possible, il fallait procéder à un second essai d’agrandir leur territoire, mais il fallait en trouver des motifs convaincants.

Premièrement, les négociations et les mécanismes de mise en application du cessez le feu venaient d’être signés. Pour le moment, le FPR ou plutôt Kagame et son armée planifiaient qu’en dépit de l’aboutissement des négociations sur des accords de paix, il fallait rechercher des occasions de réouvrir des hostilités. C’est ici qu’il fut conçu de créer un escadron spécial qui était sous les seuls ordres de Kagame aidé de ses plus proches collaborateurs : Kayumba Nyamwasa, James Kabarebe, Charles Kayonga. Cet escadron changeait de nom au gré des circonstances, mais voici la liste non exhaustive des noms qu’il eut à porter : NETWORK COMMANDO, ou TECHNICIENS, ou CDR COMMANDO.

 

Ces noms s’adaptaient aux petits groupes, au lieu de l’exécution de la mission, ou aux différents objectifs. Ceux qui étaient affectés à la supervision des activités du parti CDR étaient baptisés CDR Commando. Ceux qui supervisaient les activités des hommes qui fendaient le bois de chauffage dans l’armée de Habyarimana, les garçons de ville dans Kigali, les domestiques des hauts responsables du pays, étaient baptisés techniciens, etc.

Ce qui est important à savoir c’est que cet escadron a été conçu de manière sophistiquée, au point que même ceux qui en faisaient partie ne se connaissaient pas, à l’exception de ceux qui ont été formés ensemble ou de ceux qui provenaient de la même unité.

 

La création de cet escadron spécial avait pour objet de :

a- Semer le désordre et l’anarchie à l’intérieur du pays pour provoquer des occasions d’accuser le gouvernement d’être responsable des crimes d’assassinats devant servir à la reprise des hostilités ;

b- Planter les mines à travers le pays de manière plus organisée ;

c- Implanter des cellules du FPR à l’intérieur du pays, diffuser son idéologie, recruter les complices, empoisonner l’eau potable consommée par les déplacés de guerre, espionner l’ennemi à l’intérieur de sa ligne de front ;

d- Organiser des assassinats des personnalités politiques ciblées par le FPR.

 

Entre temps, il y a eu l’attaque du 8 février 1993 qui avait pour objectif de tester la capacité de marcher sur Kigali, d’évaluer le travail accompli par le Network dans la recherche des motifs de rouvrir les hostilités, même si les négociations étaient en cours.

Des atrocités ont été commises à ce moment, parce que là où je me trouvais dans certaines communes de Ruhengeri, je me souviens qu’à « Base » au mois de février, les militaires qui étaient là ont tué des gens dont ils ont brûlé les cadavres. N’ayant pas pu être enterrés, ces corps se sont décomposés le long de la route et de la rivière « Base », jusqu’au moment où des militaires du GOMN vinrent à passer. Ils s’indignèrent de cet état de décomposition des corps et de permirent d’aller demander si nous n’avions pas honte de vivre avec des cadavres en décomposition. Nous avons appelé la population pour aider à enterrer ces cadavres, mais lorsque le GOMN se retira, ces gens furent également tués.

 

C’est au même moment que débutèrent des actes cruels de destruction d’infrastructures comme les pylônes électriques de Ntaruka, des attaques des maisons d’habitations des autorités à la grenade ; je me rappelle que les maisons de Rucagu et du Colonel Gasake ont été ainsi détruites, c’était à Nyarutovu et à Cyeru… Personne ne peut oublier les atrocités commises à Ruhengeri quand les Inkotanyi se sont retrouvés dans l’impossibilité d’occuper la ville. Les gens savent ce qui s’est passé à Musanze, à l’ITIRU et à Karwasa, Kigombe et Kinigi, ce qui s’est passé dans cette localité ne sera jamais oublié par les habitants de cette région. Et personne n’ignore les atrocités commises par les Inkotanyi à Ngarama, Buyoga et ailleurs.

 

 

Naissance des Interahamwe,

des Impuzamugambi-RTLM

 

Kagame avait planifié de mettre les négociations en échec et d’envahir Kigali, tandis que Habyarimana planifiait comment affronter ce qu’il appelait ses ennemis, à part que nous étions réellement ses ennemis. Il créa des milices armées, qui recevaient un entraînement militaire des forces armées, de la police communale, de la gendarmerie, et des services mêmes de la Présidence. Cette jeunesse qui commettra la tragédie était omniprésente dans tout le pays. Et pourtant tous n’était pas de virulence égale dans leur acharnement à tuer les Tutsi. Ce point doit être porté à la connaissance du public, car c’est un fait authentique. Tout individu qui a vécu au Rwanda au cours de cette période peut l’attester.

 

Au début des attaques des Interahamwe au Bugesera, Kibirira, chez les Bagogwe, les assaillants arrivaient chaque fois dans les bus de l’ONATRACOM en provenance des camps de déplacés de guerre de Ruhengeri ou de Byumba. Ceux-là mêmes qui ont connu les persécutions de l’APR. Les autres jeunesses hutu ne comprenaient pas le comportement inhumain de leurs camarades qui tuaient sauvagement les gens comme on tue des mouches avec une grande fureur. La plupart des attaques identifiées avant le génocide ont été lancées par ces jeunes dont la cruauté est à rechercher dans deux origines : le Gouvernement et le FPR. Celui qui veut savoir comment le génocide a été possible peut aussi penser à ces faits (6)

 

Pour le FPR, le MRND agissait sans le savoir conformément au souhait du FPR, parce que quand le MRND entraînait les Interahamwe, le FPR trouvait l’occasion de planter des mines et d’en rejeter la responsabilité sur le Gouvernement, et trouvait là la justification de reprendre les hostilités, pendant que la Communauté Internationale blâmait le régime Habyarimana. Je ne nie pas que les Interahamwe comme les autres extrémistes aient semé des mines. Pour le FPR, c’était aussi l’occasion d’entraîner les commandos du Network, car, lorsque les négociations étaient en cours, il profitait de l’occasion pour suivre des séances de formation. Au cours de la seule année 1993, le FPR a pu entraîner ses forces dans les domaines ci-après :

- il a entraîné deux bataillons de commandos et d’autres petites unités de moindre importance ;

- il a formé plus de 400 militaires destinés à faire partie de la gendarmerie ;

- il a formé plus de quatre groupes d’instructeurs. Il planifiait qu’en cas de guerre, chaque unité dispose de ses propres instructeurs pour former rapidement les nouvelles recrues ;

- il a formé tous les officiers en matière de commandement et de leadership ;

- il a suffisamment entraîné ses militaires à la guérilla urbaine, au sein de chaque unité ;

- il a formé et entraîné les militaires à faire des longues marches, transportant tout l’équipement individuel, chaque homme avec ses cartouches et des bombes lui permettant de résister pendant plusieurs jours en attendant que les nouveaux approvisionnements arrivent ;

- il a formé les militaires en ce qu’il appelait la vraie histoire du Rwanda, qui n’était pas nécessairement différente, mais qui était dispensée avec l’objectif d’insister sur le fait que le meilleur remède au problème posé résidait dans le renversement de Habyarimana et son régime et dans la nécessité de la prise du pouvoir par le FPR.

 

Le poids de ceci était très important parce que les militaires ne se sont jamais imaginés que la paix pouvait provenir des accords d’Arusha. Sur ce point, le FPR adoptait la même attitude que celle des extrémistes de la CDR et du MRND et autres Power, la différence étant que le FPR l’apprenait à ses militaires sans en faire la publicité tandis que, de son côté, le MRND s’en vantait à la radio et dans les journaux, le refrain étant que les accords d’Arusha étaient des chiffons de papiers, ou qu’ils étaient comme un chien en décomposition.

 

 Au cours de cette étape de la guerre, le FPR/APR est parvenu à maîtriser les méthodes d’intoxication de l’opinion publique lui permettant de piéger Habyarimana : toutes les erreurs qu’il commettait étaient facilement rejetées sur Habyarimana et son gouvernement.

Nous étions dans l’étape où les accords de paix venaient d’être signés, mais où les deux hommes, Habyarimana et Kagame, deux généraux ennemis qui se font la guerre, qui, s’ils se rencontraient quelque part dans le pays n’hésiteraient pas à se tirer mortellement l’un sur l’autre.

Nous étions dans l’étape où le FPR a obtenu la certitude que, s’il le voulait, il sèmerait le trouble pour s’emparer du pouvoir, mais aussi, où il était prêt à céder à la pression internationale pour entrer au gouvernement. Lui comme les extrémistes de Habyarimana ne voulaient pas entendre parler de cette voie de partage du pouvoir comme une solution durable aux problèmes posés. C’est pourquoi chacun planifiait une alternative au cas où ils auraient été contraints de cohabiter en vue de provoquer la rupture des accords conclu entre les deux protagonistes du conflit. Voici ce qui a été planifié des deux côtés :

-         Habyarimana a créé ce qu’il a désigné la défense civile, qui ne dissimulait même pas son intention de disséminer des armes au sein de la population, dans chaque cellule et dans chaque secteur du Pays qui seront utilisées ultérieurement pour semer des troubles.

-         Il a créé des milices armées pour refuser les accords signés, même ceux qu’il signait lui-même. Ils étaient prêts à commettre n’importe quoi au simple signal

-         Il a imposé à Radio Rwanda, à la RTLM et à d’autres petits journaux affiliés, la même ligne éditoriale pour dire que les accords d’Arusha n’étaient d’aucune utilité pour les Rwandais.

-         Il a acheté de nouveaux équipements militaires qui s’ajoutaient aux anciens pour qu’on les dissémine dans tout le pays.

-         Il a fait dresser des listes de toutes les personnes qui avaient des enfants ou des frères au sein du FPR Inkotanyi, de ceux qui étaient soupçonnés de propager l’idéologie du FPR, de ceux qui lui recherchaient des financements, des Hutu qui se comportaient comme des Tutsi, je veux dire ceux qui soutenaient la lutte du FPR, pour que dès que possible, tous soient massacrés. Personne ne connaissait le jour où ces massacres devaient être exécutés.

-         Ceci est différent de ce que propage le FPR qui soutient qu’il a été établi la liste de tous les Tutsi pour qu’ils soient tous tués. C’est un mensonge parce que si les Tutsi devaient être tués simultanément, cela suppose que chacun d’entre eux devait être exécuté par ses voisins, et ces voisins se connaissaient très bien de façon à ne pas devoir se donner la peine de dresser la liste des Tutsi, parce que même les petits enfants grandissaient en en entendant parler d’eux au village.

 

Ici, je voudrais souligner que même à la mort de Habyarimana, et même s’il n’avait pas été tué, l’objectif était de massacrer toutes les personnes inventoriées sur des listes bien établies, et c’est comme cela que ça s’est passé à l’exception de quelques chançeux, tous les autres dont on avait planifié la mort ont été massacrés dans les trois jours qui ont suivi la mort de Habyarimana.

 

Du côté du Gouvernement, moi j’affirme que Habyarimana en personne ou sur pression de son entourage, a voulu que ces listes soient élaborées et il savait que le moment opportun venu, les personnes y figurant seraient exécutées.

Un autre point que je ne veux pas oublier, et qui me paraît grave, c’est que la vie de l’homme qui est sacrée, était devenue comme l’eau qui coule, surtout pour les Tutsi ; je veux dire que finalement Habyarimana et ses extrémistes avaient sensibilisé les Hutu de la CDR et les Interahamwe que verser le sang d’un Tutsi était un acte banal. Ils s’y étaient exercés à Kibirira, au Bugesera, et chez les Bagogwe, pour tester que verser le sang était possible et que ceux qui le faisaient n’avaient pas à trembler. Ceci était grave à tel point que, comme je l’ai signalé, les autres Hutu des villages et des secteurs, et même ceux du MRND, n’étaient pas des tueurs, ils s’étonnaient du comportement et des actions des Interahamwe et des Impuzamugambi ; d’autres les ont combattus jusqu’à engendré des troubles au sein des partis politiques. Personne n’ignore comment la jeunesse du MDR (Inkuba), du PSD (Abakombozi) et du PL (les libéraux) ont affronté les Interahamwe. Tout ça s’est passé jusqu’à ce que Habyarimana parviennent à les diviser en Power et en Amajyogi. Bref, les extrémistes ont sensibilisé leurs jeunesses à donner la mort sans être inquiété. Voici un autre signe que le génocide était devenu possible (8).

 

Du côté du FPR/APR, beaucoup de choses ont été faites qui préparaient le dernier jour pour les Tutsi.

 

- Pour des raisons de contrôle de la frontière ougandaise, le FPR a fait entrer le plus possible de munitions au Rwanda, pour une utilisation de longue durée. Ceci s’est déroulé à la fin du mois de septembre 1993, sur trois localités différentes, et pour deux raisons : reprendre les hostilités de manière décisive pour nous emparer du pouvoir, dans le cas contraire, les dissimuler pour les utiliser à semer le trouble après notre entrée au Gouvernement en vue de nous emparer du pouvoir par la force… Pour celui qui veut comprendre le Network, ici il y a un signal. Ceux qui ont été sélectionnés, moi-même y compris, ont du creuser de très grosses fosses, comme là où je me trouvais, la cavité mesurait 50 m x 30 m x 7 m. Nous y avons déposé des munitions et des bombes de différents calibres de 7,62 mm, 11.5 mm, 12.7 mm, 14.5 mm, 23 mm, 37 mm, 75 mm, 76 mm, 81 mm, 82 mm, 107 mm, 120 mm, 122 mm. Tout cet armement a été transporté par des citoyens ougandais. Ils étaient plus de 1.000 et l’ont transporté toute une journée. Nous qui avions la charge d’en assurer la garde, nous étions convenus que l’un d’entre nous pouvait entraîner la mort de tous à la vieille houe si ce secret s’échappait. En cet endroit, trois d’entre nous ont été fusillés parce qu’ils avaient été acheter des cigarettes sans l’autorisation du commandant. Ce qui nous a été affirmé par Kabarebe et Kayumba Nyamwasa était que même s’il était que nous entrions au Gouvernement, qu’il n’était pas question pour nous d’y rester. Nous allions être installés tout près des cachettes de nos équipements sur la frontière entre l’Ouganda et le Rwanda, qu’on allait nous approvisionner discrètement, jusqu’au moment où il sera possible de faire un coup d’Etat. L’autre cachette se trouvait à Kirama dans le Mutara, Bungwe dans Cyumba, et entre Kaniga et Gatonde. En réalité, rien d’autre n’était envisagé si ce n’est pouvoir semer les troubles pour nous emparer du pouvoir. Très peu de gens étaient impliqués dans cette affaire, on les comptait au bout des doigts, c’était Kagame lui-même, Kabarebe son second, Kayumba Nyamwasa, le Chef des Renseignements, Colonel Ngoga au Nord, Colonel Bagire au Mutara, Major Jacob surnommé Rubondo qui était responsable de la logistique militaire et d’autres qui arrivaient en visite organisée par les responsables des opérations militaires ou ceux qui nous étaient envoyés.. Les militaires du FPR qu’on sélectionnait pour ce genre de travail devaient mériter une très grande confiance, et c’est parmi eux qu’on a recruté ceux qui devaient espionner la ville de Kigali avant l’assassinat de Habyarimana.

 

- Plusieurs militaires ont été disséminés partout dans le pays, avec mission de poser les mines, implanter les structures de base du FPR, entraîner au maniement d’armes ceux qui pouvaient nous épauler pendant la guerre, connaître le fonctionnement de chaque parti politique, se mêler aux jeunesses des partis politiques, et suivre de près ceux que le FPR décidait d ‘éliminer.

 

- Le FPR et ses cadres ont pénétré dans la zone tampon, zone démilitarisée, où il a commencé à propager son idéologie. Pour moi c’était une bonne action, seulement l’erreur qui a été commise était que celui qui n’adhérait pas immédiatement à cette idéologie était tué à coups de la vieille houe. Généralement toute sa famille était exécutée peu de temps après.

Le FPR a testé sa tactique d’intoxication de l’opinion publique en attribuant les crimes dont il était l’auteur au MRND. Pour le FPR, il assassinait des gens qu’il avait en aversion ou pas, pour provoquer des occasions d’accuser le régime. En utilisant les techniciens du Network ou sa branche élargie d’officiers de l’intelligence des unités ou des bandes de tueurs, ou de jeunes auxquels il avait appris à fabriquer des petites bombes, la sélection des cibles à abattre se faisait selon les critères ici-après :

1° Le Hutu qui s’acquittait convenablement de sa fonction, qui aimait Habyarimana et son Gouvernement.

2° Tout Hutu qui faisait montre d’un certain niveau intellectuel (Gapyisi).

3° Tout Hutu dont l’assassinat pouvait être facilement attribué au gouvernement.

4° Tout Hutu que l’enquête avait des difficultés à situer.

5° Tout officier supérieur si c’était possible.

6° Aucun Tutsi né au Rwanda ne pouvait susciter la confiance du FPR, si sa mort pouvait facilement être attribuée à Habyarimana, il n y avait rien à déplorer (il faut sacrifier le Tutsi de l’intérieur).

7° Le Tutsi intellectuel qui pouvait ne pas adhérer spontanément à l’idéologie du FPR comme Landoald [Ndasingwa] que nous avons raté plusieurs fois.

8° Les Tutsi qui en général résidaient dans des lieux isolés étaient assassinés collectivement, et ce genre de crimes était immédiatement imputé au MRND, par exemple les militaires du FPR ont fait ça à Kabatwa à Gisenyi, sous le commandement de Gashayija Bagirigomwa, Moses Rubimbura du service de renseignement. Ce ne sont pas des rumeurs, cela s’est passé au début de l’année 1994.

9° Même après la guerre, le FPR n’a pas hésité à sacrifier les Tutsi pour trouver le prétexte d’aller piller au Zaïre - il a sacrifié les Bagogwe à Mudende, celui qui en doute peut en demander les preuves, nous les lui fournirons - il a sacrifié les Banyamurenge à Biura et ailleurs, et cela n’est un secret pour personne.

 

- Les techniciens de la Ville de Kigali (Network) ont commis d’innombrables crimes. Comme je l’ai dit au début, le Network est un large réseau composé d’éléments connus seulement par ceux qui les sélectionnent. Pour le reste, chacun connaissait celui avec qui il était affecté. S’il arrivait que vous vous rencontriez quelque part avec un autre que vous soupçonniez être votre camarade Inkotanyi, il n’était même pas question de lui faire un clin d’œil, parce qu’il était en train d’accomplir une mission différente de la votre. Nous avons été entraînés à ne nous occuper que de ce qui nous concernait, chacun exécutant personnellement les consignes reçues. Les critères de sélection étaient les suivants :

1.      Etre tutsi de père et de mère : l’examen de ce critère ne devait laisser aucun doute et n’était accepté qu’après un examen approfondi, le candidat devait ensuite jouir de la plus grande confiance.

2.      Avoir des traits physiques de Hutu était un atout, car il n’était pas nécessaire pour eux de se camoufler, les autres qui affichions le visage de Tutsi, il nous fallait circuler à motos. Chaque fois que l’on craignait d’être observé, on mettait le casque sur sa tête, et on endossait l’outillage des agronomes, ce camouflage vous permettait d’aller exécuter la tâche pour laquelle vous étiez venu.

3.      Connaître parfaitement le Rwanda, surtout la ville de Kigali. C’était avantageux parce que là se trouvait le centre de la plupart des activités.

4.      Etre un Hutu, de notoriété publique, à condition de n’avoir jamais résidé au Rwanda, et d’avoir fait preuve d’une grande hostilité envers les Hutu, en reniant votre appartenance ethnique, et sans crainte de verser votre sang.

5.      Etre hutu, né au Rwanda pour des missions très bien déterminées et isolées des autres, on se gardait de vous mettre en contact avec d’autres missions dépêchées à Kigali. Ouvertement ou à votre insu, vous étiez filé par plus de cinq agents des services de renseignements des Inkotanyi.

 

- Le travail personnel était différent de celui des autres, il arrivait qu’on s’y croisait au cours de l ‘exécution d’une mission sans se connaître, mais certaines consignes secrètes pouvaient vous permettre de vous reconnaître mutuellement en cas de nécessité. Il y avait des jeunes qui assuraient les services de taxi motos partout dans le pays, ils sillonnaient tous les lieux de rassemblements des politiciens, des taximen, des commandants des unités militaires ou des dignitaires hutu. Des garçons de rue étaient envoyés dans les rues de Cyimihurura, parmi les dockers des marchés, certains allaient se mêler aux Interahamwe et aux Impuzamugambi ou aux Bakombozi. D’autres travaillaient dans la clandestinité, ils travaillaient la nuit, d’autres encore étaient embauchés comme pompistes aux stations d’essence. Le travail était tellement diversifié que quand il y a eu reprise des hostilités, Kagame possédait toutes les informations dont il avait besoin pour entreprendre sa dernière bataille décisive.

 

Chacun de ceux qui étaient jugés capables d’entraîner les autres, recevait l’ordre de recruter le plus grand nombre de complices, et souvent ces derniers ne savaient pas qu’ils avaient devant eux un militaire Inkotanyi, ils avaient seulement l’impression d’avoir un interlocuteur en sympathie avec le FPR. Nous recevions aussi des instructions de mener des enquêtes spéciales sur des personnalités, d’en fournir les rapports en spécifiant si leur assassinat pouvait nous être utile et s’il était possible.

 

- Lorsque les négociations aboutirent à la conclusion que le FPR Inkotanyi pouvait entrer à Kigali avec ses 600 militaires, le piège du FPR se referma sur une nouvelle prise. La sélection de ces militaires se fit par un calcul hautement intelligent, parce qu’il ne s’agissait pas de militaires que nous avions l’habitude de voir. Voici comment ça s’est passé :

1.      Chaque unité a envoyé un homme de grande confiance, un militaire qui avait mangé les dents du cœur (impitoyable), excessivement dévoué, qui n’avait presque pas besoin d’un supérieur, capable de se tirer de situations compliquées sans être assisté, tireur d’élite, un exemple de courage et de gâchette facile.

2.      La sélection s’est portée sur les meilleurs commandants, les meilleurs dans les services de renseignements, et qui avaient eu un entraînement suffisant pour la guérilla urbaine, de façon à ne voir aucun obstacle à s’emparer de Kigali. Nous avions mémorisé qu’on meurt le jour venu, que tous les risques méritaient d’être pris, que le courage était la mère de toutes les autres valeurs, qu’en aucun cas, il ne fallait donner à l’ennemi l’occasion de remporter la victoire.

3.      Suivant les structures habituelles de commandement de l’armée, les Sergents et Caporaux avaient des hommes de troupes sous leur commandement au niveau de la Section. Ce n’était pas ainsi au troisième bataillon des Inkotanyi, les sergents étaient mêlés aux caporaux sous le commandement d’un sous-lieutenant ou d’un sergent estimé avoir les compétences des officiers. Ce que je veux expliquer ici, c’est qu’il s’agissait d’une force autonome, qui n’avait pas besoin de recevoir trop d’instructions, où chaque militaire pouvait obéir à ses propres ordres et réussir.

4.      En plus des enseignements dispensés sur la situation de la ville de Kigali, nos militaires se relayaient dans les convois d’escortes qui se rendaient à Kigali, pour que le plus grand nombre d’entre nous aient la possibilité de regarder de leurs propres yeux tous les quartiers de la Ville de Kigali et de ses banlieues.

 

- Concernant le Network ordinaire qui se trouvait sous le haut commandement de Mulindi, la structure s’est quelque peu modifiée, après l’arrivée des 600 militaires à Kigali ; nous avons été tous placés sous le commandement du Lt-Colonel Kayonga. Avant, les renseignements urgents transitaient par Karake Karenzi qui représentait l’APR au GOMN et auprès de la MINUAR.

C’est à partir de ce moment que les choses ont réellement changé dans nos têtes, nous avions tous réalisé que Kigali était tombée entre nos mains, et que nous allions crever le ventre des Hutu de Habyarimana. C’est ici qu’allait s’accomplir l’Apocalypse prédit par le Colonel Bagosora, sans savoir que le FPR en avait préparé un également.

 

- Le désordre au sein de l’armée gouvernementale, l’absence de protection de la ville malgré l’omniprésence des Interahamwe, des militaires et des gendarmes nous donnait envie de nous en emparer. Tout le monde s’accordait pour dire qu’il était facile de s’emparer de Kigali, mais que les conséquences seraient difficiles à gérer. Tous ceux qui travaillaient sur le terrain auprès de la population, auprès des partis politiques, auprès des Interahamwe, auprès des politiciens s’accordaient pour dire que le plus grand nombre des Rwandais privilégiaient la voie des accords d’Arusha, mais que pour les extrémistes, Arusha restait une illusion. Pour les deux parties au conflit, il ne restait plus qu’à envisager le plan A, qui consistait à rechercher comment reprendre les hostilités, parce que le plan B qui devait intervenir après l’intégration des deux armées en une armée nationale, demeurait un secret propre à chacune des parties. Toutes les prédictions affirmaient que les hostilités devaient reprendre sans faute, qu’elles seraient très violentes et qu’elles allaient emporter énormément de vies humaines parmi la population civile.

 

 

LE FPR INKOTANTI VENAIT DE POUSSER

LE REGIME HABYARIMANA A LA DERIVE

 

Pour reprendre les hostilités, il fallait en préciser les motifs ; l’espoir de remporter vite la victoire, c’est à dire rechercher la distance la plus courte pour aller à la victoire.

 

 Laissez moi m’expliquer sur ces points :

 

- Après avoir attisé les tensions, et semé les troubles au sein des partis politiques qui se sont divisés en factions, les unes pour soutenir le FPR et les autres pour le combattre, le FPR venait d’opérer une division entre les forces des Hutu et entre les forces armées. Même si ces dernières n’étaient pas autorisées à faire de la politique, certaines opinions politiques plaisaient beaucoup plus que d’autres. D’où ces forces armées étaient aussi divisées par ces courants qui traversaient les autres Rwandais. Certains pensent que ces divisions étaient l’oeuvre de Habyarimana tout seul, ce n’est pas vrai, car sa capacité de contrôle était limitée, je parle de ceux qui le combattaient, même s’ils ne soutenaient pas le FPR. Le FPR ne les aimait pas et il n’avait pas besoin d’être aimé d’eux, il avait plutôt besoin qu’ils commettent des erreurs pouvant justifier la reprise des hostilités.

 

- Après avoir assassiné les différents politiciens et après avoir tenté d’assassiner d’autres sans succès et rejeté la culpabilité sur le MRND, bien que le MRND et la CDR en aient eux-mêmes assassinés quelques uns, le Gouvernement était condamné par l’opinion du plus grand nombre du fait qu’il semait le trouble pour empêcher la mise en place du Gouvernement d’Union Nationale à base élargie conformément aux accords d’Arusha. Le Gouvernement tombait ainsi dans le piège du FPR, ce dernier gardant la tête haute.

Réellement, en revenant sur nos activités, nous autres Inkotanyi dans les territoires sous notre contrôle, et le traitement inhumain que nous infligions aux populations innocentes originaires du Nord du Pays, il était difficile de distinguer notre comportement de celui des Impuzamugambi. Ensuite les extrémistes de Habyarimana, ses plus proches collaborateurs qui étaient souvent originaires du Nord du Pays ne trouvaient pas de raison pour ne pas admettre la CDR au Gouvernement, alors que le MRND qui l’avait créé et qui s’en servait, allait y participer. On ne peut pas comprendre pourquoi le FPR et sa branche armée l’APR allaient entrer au Gouvernement étant eux aussi des criminels de sang comme je l’ai expliqué plus haut. Pour le FPR comme pour Habyarimana, les raisons invoquées pour refuser de former le gouvernement n’étaient que des prétextes que les gens ordinaires ne peuvent pas comprendre. Ce qui est regrettable, c’est qu’en général, il est difficile de faire comprendre aux gens comment le FPR assassinait discrètement les gens, pour en imputer ensuite la responsabilité au MRND et au Gouvernement qui ne trouvaient pas d’arguments pour démentir ces fausses accusations.

 

La différence entre le FPR et le Gouvernement résidait dans le fait que les assassinats perpétrés par le FPR était le fait de professionnels suffisamment entraînés, il les faisait sans tapage médiatique, évitait que les observateurs indépendants viennent vérifier au moment où le Gouvernement assassinait avec ses Interahamwe après leur avoir donné de  la drogue et en faisait la publicité par la radio RTLM, par tous les journaux contrôlés  par Habyarimana.

 

 

POURQUOI LES CRIMES COMMIS PAR LE FPR

SONT-ILS RESTES MECONNUS ?

 

La première ruse du FPR est de nier en bloc tous les crimes qu’il a commis jusqu’au moment où il constate que ses aveux ne peuvent plus lui porter aucun préjudice. Pendant toute la durée de la guerre, le FPR n’a accepté la présence des journalistes sur son territoire que quand il était sûr que ces derniers n’étaient pas hostiles à sa politique. Les autres étaient parmi ceux qu’il avait corrompus comme le nommé Hussein Abdou Hassan de BBC. Tout le monde se demandait s’il était un Inkotanyi ou s’il s’agissait d’un journaliste d’une radio digne de respect comme la BBC. Lorsqu’il laissait circuler les journalistes sur son territoire, le FPR les faisait venir selon sa convenance, les conduisait là où il voulait et leur disait selon les circonstances que la zone à visiter était piégée de mines, ou que des combats violents s’y déroulaient. Finalement, on les promenait seulement dans des localités prévues longtemps à l’avance. Souvent, on les conduisait le long de la frontière au lieu de leur montrer l’intérieur du Pays. Ils parcouraient ainsi de longues distances et dormaient après s’être fatigués sans avoir eu à entrer au Rwanda même sur 1 km de profondeur. Cette ruse a profité aux Inkotanyi, aucun journaliste n’ayant jamais pu arriver là où ils commettaient des crimes abominables.

 

Un autre point où les Inkotanyi étaient plus rusés que les forces gouvernementales, consistait à tuer puis à brûler les cadavres, pour en éparpiller les cendres loin du lieu du crime. Ce n’était pas facile de repérer les restes des corps. Cependant, nous nous connaissons ces endroits. Il était pratiquement impossible de surprendre les Inkotanyi, parce que l’entrée dans leur zone était subordonnée à une autorisation, et que celui qui vous recevait vous emmenait là où il voulait.

 

 

LA CRUAUTE AVEC LAQUELLE LES INTERAHAMWE TUAIENT A ETE EMPRUNTEE AUX INKONTANYI

 

Mourir de quelque manière que ce soit fait peur, mais je vais parler du genre de mort telle qu’infligée des deux côtés par les protagonistes. C’est ce que j’ai vu de mes propres yeux, que ce soit chez les Inkotanyi, chez les extrémistes du Gouvernement ou chez leurs services de sécurité.

 

Chez les Inkotanyi, eux qui ont ouvert les atrocités le 4-10-1990 après la mort de Rwigyema survenue le 02/10/1990. Je le cite parce que lui n’aurait jamais accepté que l’armée qu’il dirigeait tue la population civile :

1.      Attacher les jambes, les bras sur le dos, tirer jusqu’à l’éclatement de la poitrine, mettre la victime à genoux, la frapper d’une vieille houe sur la tête ; elle tombe directement dans le coma ; vous fracassez les deux tempes, et la tête se brise comme un morceau de terre.

2.      Attacher comme je l’ai décrit plus haut, enfoncer des coups de poignards dans les côtes, donner des coups de pieds et de baïonnette dans le ventre.

3.      Attacher quelqu’un, lui mettre une branche dans la tête jusqu’à ce que mort s’en suive faute d’air.

4.      Attacher quelqu’un, lui verser du pétrole dans les deux oreilles, lui donner simultanément des gifles sur les tempes, la victime est prise de vertige qui la fait écrouler.

5.      Attacher quelqu’un avec des chaînes au cou et le coucher à même le sol, le tirer jusqu’à l’étranglement total.

6.      Attacher quelqu’un fortement les bras et les jambes, le suspendre renversé sur une poutre dressée horizontalement jusqu’à ce que son sang gicle des oreilles, de la bouche et du nez, jusqu’à ce que mort s’en suive.

7.      Quand il fallait soutirer des renseignements à quelqu’un avant de le tuer, on le torturait pour le faire mourir à petit feu : coups de couteaux sur tout le corps, brûler le corps avec le jus des bidons en plastic chauffés, percer le sexe avec des épingles. Obliger l’enfant à avoir des relations sexuelles avec son père ou avec sa mère, obliger les frères et sœurs à avoir des relations sexuels avant de les tuer, etc. 

8.      À plusieurs reprises, les victimes demandaient de pouvoir être tuées à la grenade ou à la cartouche, mais elles n’obtenaient pas satisfaction. Car les bourreaux prenaient plaisir à contempler patiemment leur longue agonie. Les seules qui de temps en temps pouvaient être tuées à la cartouche étaient des filles qui avaient été violées par les Inkotanyi, pour éviter qu’elles ne leur jettent un mauvais sort qui les ferait périr sur le champ de bataille. Cependant, même si ce crime a été commis à plusieurs reprises, la loi le réprimait sévèrement. Celui qui était attrapé, était puni de manière exemplaire. Pourtant, les filles violées qui n’avaient pas été tuées n’étaient pas informées des sanctions infligées à leurs violeurs. Un autre point que je ne peux pas ne pas mentionner est celui du viol des femmes, même si ce crime était sévèrement réprimé. Après les avoir violées, on leur enfonçait des morceaux de fer ou de bois dans le sexe et les victimes mouraient d’hémorragie vaginale.

9.      Tuer les enfants pour ne pas faire perdre le temps aux soldats, ; on les prenaient par les jambes pour les fracasser sur le mur, l’enfant mourait la tête brisée.

10.    Je ne connais pas autrement que par Radio Rwanda et RTLM qui diffusaient que les Inkotanyi avaient dépecé les femmes enceintes pour provoquer l’avortement des enfants qu’elles portaient. Si ces faits ont eu lieu, je n’en sais rien du tout. Plutôt pour tuer les femmes enceintes, les militaires leurs donnaient des coups de genoux au ventre et dans les côtes, les étouffaient en recouvrant leur tête de feuilles plastiques, parce que d’après les techniques de torture dont j’ignore comment les Inkotanyi les ont apprises, ces derniers affirmaient que la femme enceinte résistaient aux coups des vieilles houes ou qu’elles mettaient trop de temps à mourir.

 

Concernant les INTERAHAMWE, les méthodes ne sont pas différentes, à part que les armes utilisées n’étaient pas les mêmes.

1.      Ils procédaient à la mutilation des corps de la tête aux pieds.

2.      Ils utilisaient des massues renforcées de clous qui brisaient le crane plus directement.

3.      Ils lançaient des grenades là où s’étaient entassées des masses de foules de gens.

4.      Ils tuaient les enfants comme les Inkotanyi.

5.      Ils tuaient les filles qu’ils venaient de violer.

6.      Ils dépeçaient les femmes enceintes, et je les ai vus personnellement.

7.      Ils obligeaient les personnes incompatibles pour des raisons familiales à commettre l’inceste.

8.      etc... et d’autres traitements cruels qu’ils avaient appris des Inkotanyi.

 

 


De l’engagement des deux ethnies

dans des massacres

 

Pour les hutu

Il est inquiétant et triste de voir comment les Hutu ont répondu massivement à l’appel de tuer. Ceux qui ont assisté réellement au génocide sont ceux-là qui le perpétraient et nous les Inkotanyi qui parcourions le pays en combattant.

Qu’on me comprenne bien, même si les témoins capables d’en fournir des preuves irréfutables ont péri, parce que même les rescapés du génocide restaient cachés, sans pouvoir observer ce qui se passait, mais ceci ne peut pas m’empêcher d’affirmer que les Hutu, du Président de la République jusqu’au plus petit de leurs enfants, se sont engagés dans des actions d’extermination des Tutsi, dans l’objectif d’en finir une fois pour toutes. Nier cette évidence relèverait de la mauvaise foi, même pour ceux qui pensent qu’ils n’ont rien à se reprocher. Ces rares cas sont à féliciter s’ils ne se sont pas engagés dans le génocide, mais ils ne peuvent pas démentir que les Hutu ne se sont pas acharnés à commettre le génocide. Exterminer les Tutsi fut l’œuvre des autorités du sommet à la base, elles étaient représentées par les organes de sécurité, qui se sont eux-mêmes impliqués. Ce fut aussi l’œuvre de toutes les milices, à tel point qu’elle s’assimile à un plan d’extermination de l’ethnie, comme c’est déclaré et affirmé aujourd’hui.

 

Pour les Tutsi

Jamais les Tutsi ne se sont concertés dans l’intention d’exterminer les Hutu, ils n’en étaient d’ailleurs pas capables si on considère leur force et leur nombre. Le problème se pose autrement quand il s’agit des Inkotanyi, ceux-ci prenaient plaisir à massacrer la population comme l’avait ordonné leur Chef Kagame. Je me rappelle que ce qui l’a poussé à donner de tels ordres, sont des rapports sur les opérations militaires, qui disaient qu’il était impossible pour les Inkotanyi d’entrer dans des zones habitées, parce que ces habitants nous chassaient par la clameur publique, et parce qu’il leur avait été recommandé d’élever des chiens pour que ceux-ci aboient avant notre arrivée en alertant l’armée gouvernementale et en permettant à la population d’évacuer leurs maisons à temps. Et lui de dire : « les Hutu qui sont avec nous au FPR, affirment que le seul usage des tracts ne peut pas faire sortir des têtes des Bakiga (gens du nord) l’idéologie du MRND, comme nos séances de propagand auxquelles ils ne viennent même pas assister ». Et d’ajouter : « Rasez tous ces idiots. ». Il a tenu ce discours pour la première fois, lors de sa visite à l’Unité « Yankee combined mobile force » qui était basée à GIKOBA, en commune Shonga, à Muvumba au mois de décembre 1991. Les unités basées dans cette localité s’appelaient :Zulu, Nkrumah, Bravo, Mike, Sierra ….toutes, avec combined mobile forces se trouvaient en amont et en aval de l’emplacement occupé par Yankee.

 

Ainsi les crimes commis par les Inkotanyi ne devraient pas être payés par des gens innocents, qui ne connaissaient rien de la création du FPR ; c’est pourquoi, j’éprouve de la peine à constater que les Hutu de tout le pays se sont appuyés sur ce prétexte pour exterminer toute une ethnie.

En bref, les Hutu, sous la direction du pouvoir en place et de tous ses organes, ont exterminé les Tutsi, même le survivant qui leur a échappé devait mourir ; ceux qui se sont distancés du génocide sont à féliciter. Les Tutsi qui formaient la branche armée des Inkotanyi, ont tué le plus grand nombre de Hutu possible, je veux parler de tous ceux qui ont été repérés ou de ceux dont on pouvait trouver les moyens d’éliminer. Ce crime est imputé à près de 23 000 militaires., la plupart l’ont commis sur ordre, d’autres l’ont commis pour leur propre plaisir, sur autorisation expresse de Sieur Kagame.

 

 

Des motifs qui pouvaient provoquer

la reprise des hostilités

conformément aux vœux du FPR

 

Comprendre ce point permettrait de connaître pourquoi le génocide a été possible, et ce qui a été fait pour l’activer pour que le FPR dispose du prétexte de relancer la guerre, pour emporter la victoire finale.

Ceci demeurait l’intention invariable de Kagame, c’était le plan qu’il avait conçu en 1992, 1993, et en 1994 : montrer à l’opinion internationale que le Gouvernement massacrait des populations innocentes, qu’il était incapable de respecter les droits de l’homme. Il y parvenait après s’être livré à l’assassinat des politiciens ou des Tutsi, pour imputer ces crimes au Gouvernement. La victoire rapide était uniquement possible s’il y avait des motifs de réduire le nombre de combattants sur le champ de bataille, ce qui impliquait de diviser les Hutu au préalable, et de chercher les motifs de détournement de l’attention du plus grand nombre des militaires en faveur d’autres objectifs, au moment où lui envisageait de manière prioritaire de s’emparer du pouvoir. Ceci demandait de passer par la voie la plus rapide, qui consistait à semer les troubles en tuant Habyarimana, mais en sacrifiant en échange, les Tutsi qui vivaient à l’intérieur du pays.

 

Ensuite, pour que cette victoire soit possible, l’APR devait appliquer le plan de Kagame : « Faisons en sorte que la plupart des militaires s’engagent dans des tueries, dans des viols des filles, mais gardons nous de tout ce qui peut nous détourner de notre seul objectif de prendre le pouvoir, secourir les personnes en dangerseulement là où cela correspond au tracé de notre parcours. ». Nous, les enfants qui avions quitté le Rwanda sachant que nous y laissions nos parents, avons été choqués par le comportement de Kagame, dans ce qu’il appelait arrêter le génocide. Nous sommes arrivés à nous demander si la rumeur qu’on répandait n’était pas vraie, « qu’il n’y avait plus de Tutsi au Rwanda, ou que s’il y’avait des Rwandais qui avaient la physionomie des Tutsi, que leur manière de penser et d’agir correspondait à celle des Hutu ».

 

 

La dernière étape : le 6-4-1994,

l’assassinat du Président Habyarimana

 

Le vrai FPR de Kagame n’était pas celui qu’on a décrit au travers des Radios. Comme je l’ai dit, ce FPR qui tenait ses réunions dans des salons était différent de celui de Kanyarengwe. Ce mouvement parallèle du FPR avait les intérêts ci-après à assassiner Habyarimana :

1.      À sa mort, il était difficile de trouver la personne capable de rassembler et d’organiser les gens pouvant résister avec la dernière énergie, aux avancées du FPR. La raison c’était qu’il était très difficile de trouver quelqu’un qui bénéficie d’une telle autorité politique, mais surtout d’une réelle autorité sur les forces armées, à laquelle elles obéissaient. Il était aussi impossible de trouver quelqu’un qui soit aussi compétent que Habyarimana. dans le domaine des négociations en matière d’aide extérieure, parce qu’il comptait des amis parmi les différents Chefs d’Etats. En plus, je ne crois pas aux propos de ceux qui soutiennent que Habyarimana n’était plus aimé de la population, parce qu’après sa mort nous avons assisté à des démonstrations de sympathie de toute la population. Bref, le remplacer s’avérait compliqué surtout que le Pays devait se trouver plongé dans le feu des combats, un peu partout, y compris la ville de Kigali.

2.      La mort de Habyarimana allait provoquer des troubles qui devaient entraîner des pertes innombrables en vies humaines. Hormis Habyarimana, tous les rapports des agents du Network en provenance de Kigali stipulaient que l’assassinat d’une haute personnalité devait entraîner l’extermination immédiate des Tutsi. Ceci doit être considéré par tous comme une pure vérité. Quand nous avons assassiné Katumba, qui n’était qu’un Interahamwe connu seulement à Gakinjiro, ne l’a-t-on pas vengé en tuant des milliers de Tutsi ? Pensez vous que Kagame ne se posait pas la question : « que peut provoquer l’assassinat d’une personnalité comme Habyarimana-Kinani ? » Quand nous reprenions les combats à Muvumba, des milliers de Tutsi étaient massacrés au Bugesera, comment s’imaginait-il les conséquences de l’assassinat de Kinani ? Qui ignorait les tensions provoquées par l’assassinat de Gatabazi, et il a été tué par les Inkotanyi, qui le lendemain, ont assassiné Bucyana, d’où le sang a été répandu sur tout le pays ? Kagame s’attendait réellement aux conséquences qui allaient découler de l’assassinat de Habyarimana. Ces conséquences correspondaient aux intérêts de Kagame, qui savait que la première réaction des FAR, GP, Interahamwe, CDR et leurs acolytes était de pourchasser les Tutsi et de les massacrer, sans que ces derniers aient à connaître ce qui s’était passé. Pendant qu’ils consacraient toute leur énergie à tuer, à violer les Tutsi, et à piller leurs biens, nous étions prêts à marcher discrètement sur Kigali et à nous emparer du pouvoir.

3.      Assassiner Habyarimana était la voie la plus directe pour rendre les accords d’Arusha inopérants, parce que personne n’était plus compétent pour continuer les négociations dans l’immédiat, en remplacement du président décédé.

4.      La manière dont Habyarimana a été assassiné et les témoignages fournis par ceux qui en savent quelque chose, moi y compris, ont été largement commentés, même si les médias dont j’ignore par ailleurs les sources, les ont diffusés comme il leur plaisait. Ca ce n’est pas mon travail, ceux qui ont mené les enquêtes, ceux qui seront accusés et ceux qui se défendront savent comment ils vont procéder pour accuser ou se défendre. Concernant d’autres massacres commis par le FPR, je vais en faire la dénonciation par écrit de manière détaillée, en précisant, d’après mes souvenirs, la responsabilité de chacun de ceux qui y ont pris part, parce que j’ai participé au lancement de cette guerre et à son issue, j’ignore seulement ce qui s’est passé là où j’étais absent au moment des faits. Sans écarter les informations fournies par les autres. L’essentiel des témoignages sur l’assassinat de Habyarimana que je n’aimais pas du tout parce que je le combattais, ont été fournis par des gens que Kagame et ses proches ne soupçonnaient pas. Il sera étonné de se voir accusé par ses complices qu’il prenait pour des fidèles, ou qu’il continue à considérer comme tels par erreur.

5.      S’agissant des gens qui ont exécuté les ordres de Kagame d’abattre l’avion, ou de transporter des missiles à Kigali et à Masaka, et pour lesquels je sollicite la protection de la communauté internationale pour qu’ils ne soient pas éliminés du jour au lendemain dans l’intention de faire disparaître les preuves, je vais en citer quelques uns pour qu’on reste vigilant à leur égard.

- Le Major RUZAHAZA, qui a assuré la direction des militaires qui ont convoyé les missiles, lors de leur transport de Mulindi. Il avait le grade de capitaine à ce moment et dirigeait une équipe de 6 militaires ; ils étaient accompagnés par la MINUAR qui était composée de militaires originaires du Ghana. Ces derniers ne savaient pas que ces missiles avaient été chargés dans le camion.

- L’adjudant 2 démobilisé Eugène SAFARI qu’on surnommait KARAKONJE pour sa consommation exagérée de bière fraîche, il conduisait le camion de transport du bois de chauffage, sur lequel on avait chargé 2 missiles emballés dans deux grosses caisses glissées sous le bois.

 - Sgt Moses NSENGA : il avait le grade de caporal à ce moment, il est actuellement réfugié en Ouganda, il est le frère de Kayonga et parmi ceux qui étaient avec lui lors du chargement des missiles sur le camion, il ne reste que le sgt TUMUSHUKURU, les autres comme l’adjudant Stanley Rwamapasi, qui était caporal, est décédé en 1998, l’autre était l’adjudant Seromba, il avait le grade de caporal en ce moment. Etait présent aussi lors du chargement, le soldat Joseph NZABAMWITA, il est actuellement Lt Colonel peut-être. Il y avait aussi le Major Birasa qui avait le grade de capitaine, ce dernier a été assassiné par Kagame.

- Sgt MAZIMPAKA Didier : il peut aujourd’hui avoir le grade de sous-lieutenant. Il conduisait la camionnette Toyota Stout 2002 qui a transporté les deux missiles utilisés pour abattre l’avion de Habyarimana. Il a transporté les tireurs des missiles, les a laissés à l’endroit d’où ils pouvaient tirer, il est retourné les prendre pour le CND après avoir exécuté la mission. Il a été souvent piégé pour être éliminé, et il a échappé par hasard, en le sachant ou en ne le sachant pas.

- Le capitaine Frank NZIZA : il avait le grade de sous-lieutenant dans le temps, il était tireur d’élite de missiles de la catégorie SA16, que nous, nous appelions SAM 16. C’est lui qui abattu l’avion et l’a réduit en miettes. Avant d’envoyer trois autres militaires en Ouganda, pour un entraînement, il était le seul parmi les Inkotanyi à savoir tirer les missiles. Les trois autres qui suivirent l’entraînement sont : le Sgt NYAMVUMBA Andrew, le Sgt TWAHIRWA Steven, le Cpl HAKIZIMANA Eric, tous appartenaient aux contingents du Haut Commandement qui assurait la garde personnelle de Kagame.

- Le Cpl Eric Hakizimana a obtenu aujourd’hui le grade de lieutenant : c’est lui qui a effectué le premier tir sur l’avion, il le toucha à son aile droite sans le descendre, il pouvait encore atterrir correctement sur l’aéroport, ce fut le deuxième tir qui l’abattit définitivement.

- Le Sgt NTAMBARA Potiano, il a actuellement le grade de lieutenant : il était aussi installé à bord de la Toyota qui avait transporté les deux missiles, comme quelqu’un qui devait en assurer la sécurité, et était retourné avec.

- Le Sgt Aloys RUYENZI : il est actuellement réfugié en Ouganda avec le grade de sous-lieutenant. À ce moment là, il avait remplacé provisoirement le lieutenant Silas UDAHEMUKA, le chef des services de renseignements de Kagame. Ce Ruyenzi a suivi de très près la réunion qui décida d’abattre l’avion. Parmi les participants à la réunion que dirigeait le Général Major Paul Kagame et qui donnait des ordres, figuraient le Colonel Kayumba Nyamwasa, le Lt-Colonel James Kabarebe, le Colonel Charles Lizinde, le Major Jacob Tumwine, le Capitaine Charles Karamba. Cette réunion s’est tenue le 31-03-1994, tous sont encore en vie à l’exception de Lizinde qui a été assassiné dans son exil aux motifs en rapport avec cette affaire. À ce moment, le Sgt KARABAYINGA, qui a actuellement le grade de lieutenant, montait la garde de la salle de réunion en compagnie du Sergent Peter SEMPA, ce dernier décéda à Bukavu en 1996, dans des circonstances non explicitées.

 

On pourrait établir une longue liste de témoins, parce qu’ils sont nombreux à avoir été informés sur la manière dont cet avion a été abattu, surtout parmi ceux qui travaillaient pour le Network, les militaires qui constituaient le 3ème Bataillon de Kigali. Ce qui est inquiétant est que toute personne qui sera soupçonnée d’avoir contribué à la fuite de ces informations sera éliminé par Kagame si aucune garantie de protection ne lui est apportée, comme ce fut le cas du Capitaine Hubert KAMUGISHA qui assurait le commandement dans des missions de détectives que nous effectuions à Kigali, notamment auprès des Interahamwe, tout le monde sait qu’après avoir décidé de le tuer, Kagame organisa son assassinat au Bugesera et contraignit l’escorte qui l’accompagnait d’affirmer qu’elle l’a entendu se tuer en se tirant dessus. Celui qui n’est plus dans les bonnes grâces de Kagame, ou qui peut être soupçonné de ne plus être en mesure de garder ce secret a été liquidé ou est maintenu sous haute surveillance. Pour que les Rwandais comprennent d’avantage comment ces choses se sont passées, je vais, conformément à mes souvenirs, publier prochainement la liste de tous les noms de ceux qui ont fait partie des équipes de travail de techniciens d’après leur affectation à Kigali et dans le reste du pays.

 

 

LE FPR S’ETAIT- IL PREPARE A ASSUMER LES CONSEQUENCES DE L’ASSASSINAT DE HABYARIMANA, SAVAIT – IL COMMENT IL ALLAIT SE COMPORTER

POUR VENIR AU SECOURS DES TUTSI ?

 

Ce point est très grave, et le jour où les Rwandais le comprendront suffisamment, ils iront manifester dans les rues pour exiger la démission de Kagame, pour qu’il soit transféré devant les tribunaux à l’instar d’autres criminels. Laissez moi vous démontrer que l’APR disposait de tous les moyens de venir au secours des personnes en danger, mais que pour Kagame cet objectif ne constituait pas du tout une priorité :

 

1.      Les militaires des Inkotanyi avaient l’habitude d’effectuer une marche d’au moins 30 kms à 80 kms par jour, et de se mettre immédiatement au combat. Cela n’est pas une exagération parce que le 59ème Bataillon, parti de Butaro, est arrivé à Miyove avant la tombée de la nuit, alors que sa progression avait été longuement freinée par Kagame sous prétexte qu’il voulait d’abord donner de soit-disantes instructions, alors qu’il connaissait parfaitement les ordres qu’il avait donnés à ses commandants de compagnies. Le lendemain ce 59ème Bataillon a continué sa marche vers le CND pour arriver le 10/04 au cours de la journée. Les autres bataillons comme Bravo et Alpha, n’ont mis que deux jours, une partie du bataillon 101 est arrivée, avec les bataillons de tête, une partie de la Police Militaire est arrivée le 3ème jour c’est à dire le 09/04. En ces moments, les simples soldats et les caporaux transportaient un chargement de 30 kg chacun en plus de leur équipement individuel, en marchant la nuit et le jour parce qu’on avait besoin de suffisamment de cartouches pour briser le verrou qui fermait la route de Byumba. Ces exemples sont suffisants pour comprendre la force que nous avions pour effectuer une marche de plus de 100 kms pour ceux qui avaient quitté Butaro et qui étaient arrivés à Kigali en trois jours, et en combattant pendant tout le parcours.

 

2.      Au fur et à mesure que les jours passaient, beaucoup d’enfants d’Inkotanyi rejoignaient le FPR en provenance du Rwanda, à tel point qu’à part les Ougandais qui disaient qu’il n’y avait plus de Tutsi vivants au Rwanda, que les Tutsi qui s’y trouvaient encore étaient des gourmands qui avaient refusé de s’exiler, ou qui avaient adopté la manière de penser des Hutu, nous, nous nourrissions la ferme volonté de venir au secours de nos parents qui périssaient. Ce qui fut le plus douloureux et qui a poussé certains de nos camarades à se suicider est qu’ils éprouvaient trop de peine à se voir interdire d’apporter secours aux personnes qui étaient tuées sous leurs yeux : des camarades prenaient leur fusil et se donnaient la mort en disant qu’ils s’étaient trompés en décidant de rejoindre les Inkontanyi. Seulement moi je ne me suis pas trompé, mais j’ai trop souffert d’être empêché de venir au secours de nos parents alors que nous en avions les moyens.

 

3.      Nous connaissions la ville de Kigali plus que ses habitants, parce qu’il nous fallait connaître les passages qu’empruntaient même les rats. Nous connaissions Kigali de jour comme de nuit, avec la capacité de localiser sans erreur tous les coins et les recoins où pouvaient résider tous ceux qui avaient besoin de notre aide. Kigali mise à part, il était facile d’aller partout dans le pays, à cause des multiples provenance des enfants (Inkotanyi), et du grand nombre de ceux qui pouvaient nous en indiquer les emplacements.

 

4.      Au Rwanda, les localités où il y avait une forte densité de Tutsi à secourir pour éviter qu’ils ne périssent étaient très bien connues, et elles n’étaient pas très nombreuses : il s’agissait du Bugesera, de Kibuye, de Butare, de Rwamagana, …, et ceux qui pouvaient intervenir dans une localité pouvaient continuer dans d’autres à proximité.

 

5.      Et maintenant voyons comment Kagame n’a pas eu du tout la moindre volonté de secourir les Tutsi qu’ils venaient de jeter consciemment dans les griffes d’une mort certaine.

 

Commençons par la seule ville de Kigali.

- Comment peut-on comprendre, à l’examen de nos forces, de l’étendue des grandes distances que nous pouvions parcourir, que l’APR n’ait pas pu secourir les gens qui ont péri à l’ETO de Kicukiro, si réellement il avait voulu secourir ces gens ? Est-ce parce qu’il n’a pas su qu’ils s’y trouvaient ? Serait-ce parce que ce lieu qu’on peut atteindre en traversant la route qui mène au CND à moins d’une heure de marche, s’était éloigné d’avantage ?

- Quelle est la distance à parcourir entre Rebero et Rwampara qui nous a empêchés de venir au secours des gens qui y périssaient ?

- Comment expliquer que sur le petit pont près de la gare de Nyabugogo, en direction de Gatsyata, les Interahamwe aient installé une barrière qui a permis de décimer les gens en dépit de l’installation du Bataillon Bravo par Kagame sur le mont Jari ? Comment comprendre que les gens aient été tués à Gisozi, Kagugu, et Kinyinya qui se trouvaient à moins de deux kilomètres des Inkotanyi ?

- Quelle distance y-a-t-il entre le CND et Kacyiru, Cyimicanga, et même entre le CND et l’église de la Sainte Famille pour que les gens périssent sans que rien ne soit fait pour les secourir ?

- Comment expliquer qu’au Bugesera, à Nyamata qui n’est qu’à 35 kms de Kigali et qui regorge des Inkotanyi, les gens aient été décimés sans la moindre réaction ? Y a-t-il des camps militaires de plus grande envergure que les positions militaires de Ruhengeri et Byumba où les militaires pleins de rage de Habyarimana n’ont pas pu nous empêcher d’avancer ?

 

Voyons maintenant en dehors de Kigali.

- Hormis le Bugesera dont j’ai parlé, quel obstacle nous a empêchés d’intervenir à Kabuga, à Rwamagana ? Est ce tellement loin qu’il nous était impossible d’y arriver ? Si après nous avons montré aux Rwandais et au monde entier que nous étions capables de marcher jusqu’à Kinshassa à 4000 kms, car ce parcours n’a pas été effectué en avion alors que nous nous étions obligés de faire des zigzags pour allonger la distance à parcourir, ce qui ne nous empêcha pas d’arriver à Kinshasa dans 150 jours, cela veut dire que nous faisions 26 kms par jour. C’était le plus petit trajet puisque nous pouvions parcourir 80 kms.

- Concernant les régions éloignées comme Butare, pourquoi les Tutsi ont-ils été massacrés, alors que le génocide n’a commencé qu’un mois plus tard... À Kibuye, qui a secouru ces gens, qui ont seuls organisé leur résistance jusqu’à la fin du mois de juin, pour finalement se laisser abattre comme des animaux sans berger ?

- Sans aller trop loin, revenons près de l’entrée du CND à 20 mètres des Inkotanyi qui aimaient les gens : pourquoi Kayonga qui savait que l’avion du président allait être abattu, a-t-il ordonné de chasser les civils et de fermer les portes du CND pour que personne n’ait à nous reprocher d’avoir caché les Tutsi au CND ? Combien de cadavres de Tutsi sur lesquels les véhicules roulaient n’a-t-on pas vu au rond-point de Kimihurura après leur avoir fermé l’entrée au CND où ces gens pouvaient sauver leur vie ? Comment sacrifier les Tutsi plus que cela ?

 

Je l’ai dit plus haut, laissez moi le répéter : Kagame nous a empêché de venir en aide à nos parents alors que nous en avions la capacité et la volonté.

 

Ce que je peux ajouter c’est que chaque fois qu’il s’agissait de secourir les gens, on y procédait de trois manières différentes :

1.      Quelqu’un dont le FPR avait besoin pour l’employer après la prise de pouvoir.

2.      Des gens qui pouvaient se trouver par hasard sur le parcours tracé par le FPR, il les libérait et les mettait en lieu sûr.

3.      Les commandants saisis de pitié prenaient le risque de l’initiative à l’insu de Kagame. Jamais secourir la population tutsi ne fut envisagé par le plan d’attaque de Kagame.

 

Ensuite voyons quelle ambiance régnait chez les Inkotanyi installés à Kigali au cours du Génocide.

 

Moi en ma qualité de militaire rompu à l’art de la guerre, j’ai la conviction que le repos des guerriers est nécessaire pour disposer des troupes fraîches capables de se relayer et d’intervenir chaque fois que de besoin. Mais voyons pourquoi il n’existait pas de plan de secours. Dans Kigali, il y avait des bataillons suivants, certains y sont arrivés avant, d’autres ont été constitués sur place parce qu’ils n’existaient pas. Il y avait Alpha, Bravo, le 59ème,le 7ème ; le 3èm, la Police Militaire, le bataillon d’Artillerie et de Défense aérienne, le 5ème, le 21ème. A l’exception du 3ème bataillon et de la Police Militaire, les autres bataillons comprenaient plusieurs compagnies de A-B-C-D-E-F-G-K-HQ compagnies, le plus petit bataillon était formé de 10 compagnies et chacune comptait au moins 170 personnes. Il y’avait de gros bataillons qui comptaient jusqu’à 2 000 personnes. Ajouter à tout cela, des milliers de techniciens qui s’étaient infiltrés dans Kigali. En réalité, et ce n’et pas un mensonge, la seule Ville de Kigali comptait plus de 12 000 hommes de troupes Inkotanyi, et les Tutsi continuaient à être massacrés partout. Après la capture totale de Gikondo Magerwa, il est triste de constater que pendant que le sang de nos parents continuait à être versé, les Afande affectaient le plus gros de leurs troupes aux sales boulots de piller les grands magasins, comme Magerwa précisément. Il n’était pas question pour ces militaires d’aller au secours des gens, parce que Kagame ne l’avait pas spécifié dans les ordres qu’il avait donnés, et celui qui s’avisait à en prendre l’initiative, pour intervenir là où on ne l’avait pas envoyé, courait le risque d’une peine d’emprisonnement s’il avait perdu un homme.

Les Messieurs Kaka, Dodo, Ngoga, Bagire, Kayonga étaient tous en compétition pour le pillage du plus grand nombre de Land Cruisers, et de les transformer en jeeps pour leurs escortes, ils agissaient comme des militaires très semblables aux Interahamwe. En vérité, tout ce qui va pourrir commence par le sommet. Il y a jamais eu de meilleurs combattants que les gens que je viens de nommer plus haut, ajoutons y les Kaddafi, Nyamurangwa, Kwikiriza, Kalisa, Rwigamba, Nkubito… et plusieurs autres pour lesquels on admettait qu’ils étaient compétents. Mais comme ils n’avaient jamais reçu l’ordre d’aller au secours de ceux qui avaient besoin d’eux, leurs militaires se sont livrés à la débauche avec des femmes, au pillage des Nido, à l’ivresse par les Carlsberg, le whisky, la Mutzig et la Primus.

C’est ainsi que le pillage devint une maladie endémique ; les Interahamwe tuaient et pillaient, tandis que l’APR continuait à se délecter dans Magerwa, la Sucrerie de Kabuye. Après avoir exterminé des personnes innocentes à Byumba, ils procédaient à la chasse aux rescapés des banlieues, et après ils se mettaient à piller et à convoyer le butin en Ouganda. C’est triste. Je vais écrire tout ces faits de manière plus détaillée.

 

 

POURQUOI ALORS KAGAME S’AUTOPROCLAME-T-IL LE SAUVEUR DES TUTSI ?

 

Il s’agit ici d’un important piège qu’il s’est tendu, et il sera le premier à tomber dedans. J’ai montré comment les choses ont évolué dans les deux camps ; comment les Interahamwe ont accru leur cruauté, et que les premiers qui se sont distingués par leur cruauté dans les massacres sont ceux-là même qui avaient fui les combats du FPR qui décimait les membres de leurs familles à Byumba et à Ruhengeri : ils étaient devenus comme de vrais animaux quand ils ont débouché à l’entrée de Kigali, ils n’étaient plus capables de distinguer les Inkotanyi des Tutsi. La situation s’aggrava par la propagande divisionniste, l’assassinat du Président et ses hauts dignitaires, alors que c’était eux qui étaient les maîtres des Interahamwe et de l’armée qui ne voyaient plus la personne susceptible de contenir l’avancée du FPR. Rien ne pouvait résulter de ce chaos, si ce n’est le génocide des Tutsi.

 

Quelles que puissent être les erreurs qu’il put commettre, en comparaison des massacres, de la torture et des traitements cruels que les Interahamwe hutu ont infligé aux Tutsi, Kagame fut de prime abord considéré comme l’homme providentiel qui a arrêté le génocide. Et pour lui, qui aime trop les honneurs, il était facile d’instruire les gens de ce haut fait dans sa quête de légitimité du pouvoir en vue de réduire au silence les autres prétendants et de leur imposer sa volonté. Désormais toute voix discordante fut réprimée comme celle du criminel du génocide. Quand la communauté internationale lui conseillait d’aller lentement, il leur rétorquait qu’ils devaient se taire, parce que les gens ont été décimés à cause de leur indifférence, alors que lui réglait le sort du régime des tueurs en arrêtant le génocide, « qu’avez vous à dire au sujet de nos problèmes ? ». Et maintenant, il continue à s’autoproclamer le sage comme celui qui est venu secourir les trépassés. Un proverbe rwandais dit que « le petit taureau qui décime le troupeau de vaches naît dans ce troupeau ». Un Tutsi a fourni aux tombeurs des Tutsi le prétexte de les exterminer et les a délaissés après.

 

 

LA RESPONSABILITE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DANS NOTRE GUERRE

 

À part que toutes les guerres dites de libération nationale entre les rebelles et les armées nationales se déroulent de la même façon, j’ai constaté beaucoup de différences dans la guerre des Inkotanyi et ceux qui veulent perpétuer le mensonge y recherchent leurs arguments.

Premièrement, la guerre a été lancée à partir de l’Ouganda et menée par des jeunes appartenant majoritairement à l’ethnie tutsi. Ces jeunes venaient de tous les pays : Ouganda, Tanzanie, Zaïre, Burundi, Rwanda, Kenya et d’ailleurs mais en petit nombre. Cette donnée est suffisante pour comprendre l’implication de chacun de ces pays dans ce conflit. Partant de là, il est clair que tous ces pays, à l’exception du Rwanda, ont su ou toléré que les jeunes Tutsi traversent leurs frontières pour aller participer à cette guerre. Certains pays mettaient à leur disposition leurs services de renseignements pour leur faciliter le passage à la frontière. Plus de 300 000 ont transité par le territoire burundais. Tous passaient par le Burundi avant de gagner l’Ouganda. Un plus grand nombre a transité par l’Ouganda, parce que c’était un passage obligé.

 

Deuxièmement, le Rwanda, comme les Inkotanyi n’ont pas d’usine d’armements, ils devaient toutes les acheter. Acheter signifie avoir des pays clients et des deux côtés. Le Rwanda achetait avec son argent des armes et des munitions, et en recevait d’autres de ses pays amis par voie de coopération ou de crédit. Parmi ces pays, il y a la Belgique, la France, la Chine, la République Sud-africaine, l’Egypte, la Russie et bien d’autres. La guerre demande toujours un armement moderne capable de faire face à celui de l’ennemi ; cela signifie qu’on doit acheter de nouvelles armes qui nécessitent des instructeurs militaires généralement fournis par d’autres pays. Personne ne peut nier qu’il y a eu des instructeurs français ou belges qui ont entraîné les forces armées rwandaises. Et pour les Inkotanyi, personne ne peut nier qu’ils ont bénéficié d’instructeurs ougandais, et certains sont même allés suivre des formations dans des pays amis. Rien ne peut occulter cette logique.

 

Parmi les questions actuelles, le Rwanda reproche aux Français d’avoir entraîné les Interahamwe, et d’avoir ainsi une grande part de responsabilité dans le génocide. Moi je pose la question suivante : quel genre de besoin en haute technologie des Interahamwe nécessitait l’instruction appropriée de militaires français ?

 

Les Interahamwe ont tué à la machette et à la grenade, ils disposaient aussi de petits fusils qui circulaient largement dans le pays et dont l’entraînement au maniement pouvait être dispensé par la police communale. Cela serait compréhensible si on avait reproché aux Français d’être venus semer la haine des Tutsi chez les Interahamwe, de leur avoir appris à surmonter la crainte humaine de verser inutilement le sang, ou s’ils s’étaient placés à la tête de leur commandement, sauf qu’il n’y a même pas d’intérêt ; tuer un simple Tutsi des collines ne nécessite aucun concours de la part d’un expert français. Les Français ne sont pas des saints, car comme nous maudissions Habyarimana, eux l’encensaient comme l’un de leurs amis les plus chers. Ceci signifie que pour moi et pour tous les Inkotanyi l’ami de notre ennemi était notre ennemi. Pourquoi ce mensonge se perpétue-t-il en se répandant infiniment ? J’ai signalé tous les endroits où nous, les Inkotanyi, avons massacré des populations, est ce pour autant que les Barundi qui nous ont aidés ou les Ougandais qui nous ont entraînés et fourni des armes doivent comparaître devant les tribunaux pour crime de génocide ? Après notre victoire, nous avons déclenché une guerre d’agression contre le Congo-Zaïre, n’est ce pas vrai que les militaires rwandais ont bénéficié des entraînements des Américains, des Israéliens, des Nord-Coréens, des Sud-Africains, des Éthiopiens, des Érythréens, des Russes, des Kenyans, et d’autres que je ne puis nommer ; est-ce dire que ces pays qui ont entraîné notre armée sont responsables des massacres que nous avons perpétrés sur des Congolais et sur des réfugiés hutu au Zaïre ? Notre armée comprenait des éléments de nationalité ougandaise et personne ne conteste ce fait puisque Kagame lui même l’a confirmé, il a même organisé des cérémonies officielles d’adieu, et ce sont ces éléments ougandais qui tiraient aux armes lourdes, 122 mm, 107 mm, 120 mm. Est-ce que pour autant l’Ouganda doit être appréhendé pour répondre des accusations de génocide ? LES RWANDAIS DEVRAIENT SE LIBERER ET SAVOIR QUE HABYARIMANA A PLANIFIE LE GENOCIDE ET QUE C’EST KAGAME QUI EN A PERMIS LA REALISATION, KINANI EST DECEDE, ET L’AUTRE DEVRAIT SE HATER DE SE PRESENTER DEVANT LE TRIBU NAL POUR ETRE CONDAMNE A LA PEINE CAPITALE, POUR LE SUIVRE, ET LAISSER LES SURVIVANTS VIVRE ENSEMPBLE EN PAIX.

Finalement les gens comprendront que les amis de Habyarimana venaient au Rwanda pour défendre leurs intérêts communs, car il savait intoxiquer la communauté internationale qui accourait à son secours. Et pourtant ceci s’est terminé en 1990. Alertés par Habyarimana que l’Ouganda avait agressé le Rwanda, la Belgique et le Zaïre se sont empressés d’envoyer leurs troupes au Rwanda, quand ils se sont rendus compte qu’il s’agissait de Tutsi qui regagnaient leur pays, ils se sont retirés immédiatement, les Français à leur tour se sont dits qu’il ne fallait pas abandonner leur ami Kinani, ils sont arrivés au Rwanda pour se livrer aussi au commerce de la drogue produite par l’entreprise des familles Habyarimana-Mitterand dans la forêt de Nyungwe. Les marchés des armements et des munitions enrichissent les commerçants de ces marchandises, et cet enrichissement est une explication des relations entre Mitterand et Habyarimana, et le FPR en a fait le refrain de sa chanson, pour pouvoir couvrir les crimes graves qu’il a commis, à part qu’il ne peut en être acquitté.

 

 

QU’EST CE QU’IL FAUT FAIRE MAINTENANT ?

 

L’ONU devrait sortir de sa réserve et rejeter l’opprobre dont on la couvre sans justifications qu’elle n’a pas apporter son assistance aux Rwandais. Y-a-t-il des ordres donnés par l’ONU aux Hutu et aux Tutsi de se battre ? A t-on oublié le discours de Kagame qui intimait à l’ONU l’ordre de venir à l’instant ou d’abandonner cette démarche dans le cas contraire, en lançant le défi qu’il allait lui-même arrêter le génocide ? Si l’ONU était intervenue avec ses contingents de militaires naïfs sur lesquels on aurait pas hésité à tirer, à qui devrai-on en imputer la responsabilité ? Qui compose l’ONU ? Pourquoi, parmi les Grands qui sont les membres permanents de son Conseil de sécurité, l’un d’entre eux serait-il seul à être pointé du doigt ? Etait-il le seul à pouvoir arrêter ce génocide ?

 

ON DEVRAIT ENTREPRENDRE DES INVESTIGATIONS SUR LES CAUSES QUI ONT RENDU POSSIBLE CE GENOCIDE QUI S’EST EFFECTUE EN SI PEU DE TEMPS, ET SUR LA RESPONSABILITE DE CHACUN DES BELLIGERANTS, JE VEUX DIRE LE GOUVERNEMENT ET LES REBELLES.