article paru dans Esprit,
août-septembre 2000, p. 147-162
Rwanda : politique de terreur, privilège d’impunité
Rony Brauman, Stephen Smith, Claudine Vidal
Le 17 avril 2000, le général Paul Kagame, plébiscité par le parlement et le gouvernement non-élus que domine le Front patriotique rwandais (FPR)[1], est devenu chef de l’État du Rwanda. Six ans après le génocide qui a coûté la vie à des centaines de milliers de Tutsis, une réalité de fait recouvre ainsi les apparences du droit : “ l’homme fort ”, auparavant vice-président et ministre de la Défense, accède à la magistrature suprême en y remplaçant Pasteur Bizimungu, un membre hutu du FPR, démissionnaire pour “ raisons personnelles ”. Il ne s’agit là ni d’une simple relève ni, à plus forte raison, d’une “ alternance ethnique ”, même si le général Kagame est le premier président appartenant à la minorité tutsie depuis l’indépendance. Pour autant, il ne s’agit pas non plus d’une revanche “ historique ” ou personnelle. Car, bien qu’elle s’inscrive dans un contexte local d’ethnicité, instrumentalisée à des fins vengeresses, de massacres entre Hutus et Tutsis au Rwanda et au Burundi voisin, la consécration de Paul Kagame revêt une signification politique universelle : au lendemain d’un génocide que la communauté internationale n’a pas su empêcher, un responsable de crimes contre l’humanité accède à la tête de l’État rwandais au nom des victimes qu’il prétend représenter. Sous la conduite du général Kagame, dont la responsabilité personnelle est engagée, le FPR s’est en effet livré à des tueries de Hutus organisées, après, pendant et, même, avant le génocide des Tutsis. Au Rwanda d’après le génocide, en lieu et place d’une politique de réconciliation, la violation des droits de l’homme a été érigée en système de gouvernement. Au Congo-Kinshasa, le FPR a non seulement démantelé manu militari des camps d’exilés hutus, qui constituaient effectivement une menace existentielle, mais il a aussi persécuté, sur deux mille kilomètres à travers la forêt équatoriale, des civils dont près de 200.000 ont péri, victimes d’inanition, de maladies ou des “ unités spéciales ” lancées à leur poursuite depuis Kigali. Au sujet de cette traque sans distinction entre hommes, femmes et enfants, le rapport d’une commission d’enquête des Nations unies a conclu, le 29 juin 1998, à des “ crimes contre l’humanité ” en citant nommément l’Armée patriotique rwandaise (APR), dont le commandant en chef était Paul Kagame[2]. Moins de deux ans plus tard, la communauté internationale, si prompte à invoquer le “ devoir de mémoire ” et l’indispensable lutte contre l’impunité, a néanmoins pris acte de l’accession du général à la tête de l’État rwandais. Le présent article a pour objet de retracer comment, au Rwanda, le crime contre l’humanité est devenu une monnaie d’échange.
La guerre qui commença au Rwanda en octobre 1990 est la plus destructrice de l’histoire africaine contemporaine. Une pure guerre civile : même si des puissances étrangères intervinrent, l’affrontement entre les exilés tutsis et les partisans du régime dirigé par le général-président Habyarimana ne fut d’aucune façon lié à un conflit armé entre États. Un désastre total : extermination des Tutsis de l’intérieur, liquidation systématique des opposants hutus aux organisateurs du génocide, massacres de civils par la guérilla tutsie, fuite au Zaïre, en Tanzanie et au Burundi d’une partie de la population hutue, destructions, pillages, dévastation des infrastructures publiques. Début 1994, le pays comptait sept millions et demi d’habitants, le nombre des victimes de la guerre et du génocide a été estimé à un million et celui des réfugiés dans les pays limitrophes à deux millions. De tels chiffres disent l’ampleur de la tragédie, ils ne rendent pas compte des deuils accablants, des haines, des angoisses qui ont investi la société rwandaise.
Maintenant que les atrocités de la décennie 90 ont scellé dans le sang la partition entre Hutus et Tutsis, comment agir pour que cette partition connaisse une autre issue que celle d’une lutte à mort ? Comment les anciens exilés, après avoir pris Kigali, le 4 juillet 1994, et remporté la victoire, vont-ils reconstruire un pays et une société aussi profondément traumatisés, dévastés ?
Le gouvernement, mis en place le 19 juillet 1994, s’était fixé une durée limitée à cinq ans. Dès janvier 1995, les nouvelles autorités rwandaises ont présenté à des bailleurs de fonds potentiels un Programme de réconciliation nationale, de réhabilitation et de relance socio-économique. Cinq ans plus tard, qu’en est-il de ce Programme ? Le 8 février 1999, les autorités ont déclaré qu’elles maintenaient l’état d’exception et prolongeaient de quatre ans la période de transition. Elles ont alors invoqué l’insécurité que faisaient peser sur le Rwanda des revanchards hutus, basés à l’extérieur du pays et soutenus à l’intérieur, et n’attendant que l’occasion de parachever le génocide. Une partie du Programme avait donc échoué, celle qui prévoyait la “ réconciliation nationale ”.
Une rébellion hutue armée, retranchée au Congo et lançant des coups de main meurtriers dans les régions frontalières nord et nord-ouest existe bien. Cependant, elle ne détermine pas, à elle seule, la faillite du projet de réconciliation. Un symptôme, autrement plus révélateur de cette faillite, est le climat de peur et d’oppression qui n’a cessé de peser sur la vie quotidienne rwandaise durant les cinq dernières années, un climat qui tient aux exactions commises par des autorités et des militaires, aux disparitions et aux assassinats, aux arrestations illégales, à la corruption dans tous les secteurs de l’État, tout autant qu’aux attentats terroristes.
Pourtant, en 1990, le FPR revendiquait un programme censé jeter les bases d’une démocratie, fondations qui n’avaient encore jamais existé au Rwanda et tout particulièrement celle établissant l’égalité entre les ethnies. De fait, en opposition à un régime dominé par des dirigeants hutus, qui, assimilant majorité ethnique et majorité politique, avait exclu les Rwandais tutsis de la vie politique depuis l’indépendance, le régime contrôlé par le FPR a basé sa légitimité sur un projet anti-ethniste de restauration nationale. Mais cette transformation radicale du discours de fondation n’a entraîné la répression des comportements ethnistes extrêmes que d’un seul côté : quand ils visaient des Tutsis. En réalité, dans tous les domaines de la société, plus particulièrement dans le secteur politico-administratif et celui des activités modernes, pèse sur les Rwandais hutus la menace d’être spoliés, arrêtés, assassinés, sans que les responsables de ces exactions ou de ces meurtres ne fassent jamais l’objet de poursuites.
L’actuel gouvernement rwandais n’échappe pas à la loi de ses origines militaires : au détriment d’autres modes d’actions, il recourt à l’usage des armes pour manifester et renforcer sa supériorité, en particulier, mais pas exclusivement, à l’égard des Rwandais. Cette politique, sous couvert de lutte contre les “ génocideurs ”, va jusqu’à la perpétuation des massacres prémédités, comme ce fut le cas dans l’ex-Zaïre en 1996 et 1997. Le prétexte de l’instauration d’un glacis sécuritaire y a servi une politique de terreur à l’égard des exilés hutus, en même temps qu’il a permis l’instauration d’un “ régime ami ” à Kinshasa. Celui-ci, présidé par Laurent-Désiré Kabila, a cependant trahi ses parrains étrangers, bailleurs de fonds et de troupes. A l’instar de l’Ouganda de Yoweri Museveni, le Rwanda du général Kagame s’est alors engagé dans une occupation prédatrice du pays voisin.
La nature du régime instauré par le FPR n’est plus à découvrir, malgré ses efforts de désinformation systématique. Pas davantage que le précédent, ce pouvoir ne tolère des espaces politiques et des lieux qui ne soient pas dépossédés de toute autonomie, qui ne soient pas intégralement soumis à son contrôle. Des Rwandais, non suspects d’indulgence pour les tueurs de tous bords et pour les politiques qui les tolèrent ou les encouragent, ont révélé et dénoncé ses pratiques. Des observateurs étrangers, notamment Amnesty International et Human Rights Watch, les ont relatées. Pour autant, les descriptions réalistes du Rwanda actuel ne parviennent pas à briser les conventions de silence imposées par l’insaisissable “ communauté internationale ” — des institutions internationales, des diplomaties étrangères et, ce qui est plus surprenant, des médias et organisations non-gouvernementales (ONG), majoritairement réglées au diapason de Kigali. Il est vrai que la transgression de ces règles tacites fait l’objet d’attaques violentes émanant de milieux sectaires, pas seulement rwandais, pour lesquels critiquer le FPR revient à nier le génocide. Vieille recette que cet amalgame, mais elle n’a rien perdu de son pouvoir d’intimidation.
Il faut transgresser les tabous interdisant l’analyse lucide de la politique menée par le nouveau pouvoir rwandais : parce que cette politique présage des désastres futurs. Maintenant, comme avant avril 1994, le silence vaut approbation, signifie indifférence au sort de populations menacées, complicité de fait avec des factions politico-militaires poursuivant des objectifs de prédation à court terme, quel qu’en soit le prix à payer en morts et en destructions.
En peu d’années, un petit groupe a réussi à constituer au sein du FPR, un réseau politico-militaire qui, contrôlant les principales positions de pouvoir, exploite toutes les occasions de corruption. Ce réseau a gagné le surnom d’akazu (mot signifiant “ petite maison ” que les Rwandais emploient pour désigner le premier cercle autour de l’homme fort) : le même terme désignait naguère l’entourage du président Habyarimana, entourage qui, ayant monopolisé le pouvoir effectif, n’a pas hésité à mener la politique du pire. Le nouvel akazu tout autant que le précédent, se livre, au pillage des biens de l’État, au détournement de l’aide internationale, en y ajoutant les bénéfices tirés de la privatisation des sociétés publiques. Politiciens, militaires, hommes d’affaire liés à l’akazu, affichent un train de vie luxueux, investissent au Rwanda dans des opérations rapportant des bénéfices considérables (comme, par exemple, la construction de villas à louer aux institutions internationales), tout en exportant le plus gros de leurs gains à l’étranger.
Dans de telles conditions, la lutte aux plus hauts niveaux pour accaparer les postes stratégiques se déroule secrètement, dans le huis-clos des puissants. Mais ses effets sont visibles : promotions et destitutions, arrestations, disparitions et fuites à l’étranger d’hommes politiques et aussi d’intellectuels ayant dénoncé ou étant susceptibles de dénoncer le système de corruption et ses bénéficiaires. Les démissions et les départs, publics ou clandestins, de personnalités hutues qui faisaient partie de l’appareil politico-administratif ou d’organisations de la société civile, ont commencé très tôt, n’ont jamais cessé et sont invariablement présentés, par les officiels, comme un aveu d’incompétence, de malversations, d’un passé trouble ou de haine ethnique. Mais, ces deux dernières années, s’est développé un mouvement important de Tutsis, rescapés du génocide, également en quête de pays d’accueil. Hommes d’affaires, avocats, médecins, intellectuels : ils n’acceptent pas de se faire rançonner par les gens du pouvoir et leurs proches. Des membres de la diaspora tutsie, revenus après 1994, et qui furent liés aux milieux dirigeants, ont eux aussi repris le chemin de l’exil. Parmi ces dissidents, des figures connues. Ainsi le journaliste Jean-Pierre Mugabe, rédacteur en chef du très FPR Le Tribun du peuple, qui, dans un numéro spécial de décembre 1998, avait dénoncé “ la mafia qui ronge l’État rwandais ” et, menacé de mort, s’est réfugié aux États-Unis. Il vient de mettre en cause Paul Kagamé dans l’attentat contre le Falcon présidentiel, le 6 avril 1994, l’événement ayant déclenché le génocide. Ainsi Joseph Sebarenzi, président de l’Assemblée Nationale de transition depuis 1997 qui, mis en minorité sur un vote, démissionna en janvier dernier et prit la fuite. Fort d’avoir obtenu des motions de censure contre deux ministres hutus accusés de malversation, il s’était attaqué à l’un des plus influents membres du FPR, réputé figure centrale de l’akazu.
Le régime précédent avait découpé la société, au-dessous du niveau des communes, en secteurs, puis cellules (en moyenne 150 familles) et, enfin, en nyumbakumi, des groupes d’une d’une dizaine de foyers. Bourgmestres, conseillers communaux et chefs de cellule, tous nommés par le pouvoir, devaient démontrer leur fidélité active au parti unique. Le nouveau régime a conservé ce système pyramidal enserrant la population dans une hiérarchie d’autorités intermédiaires qui la contrôlent de près, tout en étant elles-mêmes dépendantes d’autorités supérieures, clientes des hommes forts. Certes, en mars 1999, les dirigeants des cellules et des secteurs ont été élus. Mais ces “ élections ” se sont déroulées de la manière suivante : les candidats n’avaient pas eu le droit de faire une campagne publique, ni de se présenter comme membre d’un parti ; les électeurs devaient se mettre en file indienne derrière le candidat de leur choix. En fait, le quadrillage de l’espace public, qui en permet la surveillance étroite, a non seulement été maintenu, mais renforcé par un dispositif paramilitaire : dans chacune des quelques dix mille cellules que compte le Rwanda ont été formés et armés cinq responsables de la “ local defense force ”, censés combattre en cas d’attaque, en réalité, chargés de faire la chasse aux interahamwe[3] infiltrés et à leurs complices. Ces “ défenseurs ” se comportent de façon plus ou moins tyrannique. Détenteurs d’une arme et légitimés par les autorités, ils oppriment une population paysanne misérable qui ne peut éviter de verser un tribut à ses “ protecteurs ”.
Les relations entre les autorités communales et leurs administrés ont été également militarisées, car elles sont exercées sur le modèle de l’armée où les châtiments corporels font partie de l’ordinaire de la discipline. Militaires, policiers communaux, membres de la “ local defense force ”, lorsqu’ils les estiment insuffisamment obéissants, battent les gens, leur imposent des amendes, les emprisonnent sous toutes sortes de prétextes et de façon purement arbitraire. Il arrive que des préfets s’opposent à ces comportements, que des bourgmestres veillent à ce qu’ils ne deviennent pas la règle dans leurs communes. En dehors de ces exceptions, l’autorité civile est localement exercée de façon brutale et coercitive, nombre de responsables communaux étant d’ailleurs issus de l’APR.
D’autre formes de militarisation ont également été instituées concernant les scolarisés. Les étudiants admis à l’Université doivent passer par des camps (ingando) où ils reçoivent une éducation militaire et civique, cette dernière portant sur la “ nouvelle ” histoire du Rwanda. Cette formation devrait être étendue aux élèves du secondaire. Des bourgmestres organisent, eux aussi, sur les collines des formations analogues.
La guerre d’occupation menée par Kigali en RDC depuis l’été 1998 s’ajoute à la militarisation de la jeunesse et à la brutalisation des rapports d’autorité. Ces soldats, dont la guerre a besoin, risquent leur vie si loin du Rwanda que, ni eux-mêmes, ni leurs familles ne croient plus aux arguments prétextant que la sécurité du pays impose leur sacrifice. L’enrôlement forcé de jeunes gens, expédiés sur le front congolais sans que les parents soient tenus au courant du sort de leurs fils, nourrit l’anxiété dans les foyers. Mais le prix du sang ne suffit plus à cette guerre imposée par le pouvoir. En novembre 1999, le président de l’Assemblée nationale de transition proposait d’instituer une “ contribution volontaire ” des citoyens et des entreprises aux dépenses militaires. Au même moment, le premier ministre demandait des secours à la communauté internationale pour lutter contre la famine au Rwanda.
“ La loi
des suspects ”
La population carcérale est actuellement évaluée à 125.000 prisonniers, présumés coupables de génocide, qui attendent leur jugement. Les procès ont commencé fin décembre 1996 et, le 24 avril 1997, vingt-deux condamnés à mort furent publiquement fusillés dans un stade à Kigali. La politique judiciaire, l’organisation et le fonctionnement des tribunaux souffrent des mêmes maux que les autres institutions du pays : les plus hautes instances sont soumises à l’arbitraire du FPR, des magistrats ont été menacés, démis, arrêtés ou assassinés, parce qu’ils souhaitaient une justice indépendante. La corruption n’est pas davantage contrôlée dans ce domaine que dans les autres. Le ministre de la Justice reconnaissait publiquement, fin janvier 2.000, qu’une commission anti-corruption nouvellement créée aurait beaucoup à faire à tous les niveaux de l’appareil judiciaire.
Incontestablement, des responsables du génocide ont été arrêtés. Il est indispensable qu’ils soient jugés et, à juste titre, le gouvernement rwandais a voulu que leurs procès individuels aient lieu devant les tribunaux. Mais des innocents ont également été jetés en prison, et ce dans une proportion nullement négligeable. Un rapport de Human Rights Watch (HRW) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) a dénoncé, en avril 1995, l’intrusion de l’armée dans la sphère judiciaire, le fait qu’il suffisait d’accuser une personne d’avoir trempé dans le génocide pour la faire incarcérer. Des groupes de délation, servant d’ “ accusateurs sur demande ”, permettaient par leurs dénonciations la satisfaction de haines personnelles, l’élimination d’un concurrent, la captation de biens. A cette époque, le ministre de la Justice et le procureur de Kigali affirmaient leur conviction que vingt pour cent des prisonniers étaient détenus sans aucune charge pour les poursuivre. Les auteurs du rapport citaient comme exemple de cet arbitraire le cas d’une jeune femme, restant emprisonnée, alors qu’elle pouvait prouver qu’elle avait vécu hors du pays durant toute la période du génocide.
Ce rapport décrivait une situation prévalant quelques mois après le génocide. La faiblesse des effectifs judiciaires, l’état de destruction du pays, le désir de vengeance “ à chaud ” pouvaient expliquer une relative impuissance des autorités à contrecarrer ces pratiques. Il reste que depuis, la traque dénonciatrice a si peu diminué qu’elle est devenue non seulement une méthode courante pour s’approprier illicitement des biens mais, au-delà, une pratique de terreur. Au fil des années suivant le génocide, des dénonciations, bien que de plus en plus tardives, ont frappé des commerçants, des fonctionnaires, des politiciens. En faisant planer sur eux la menace d’une arrestation imminente, le soupçon, exprimé ou latent, opère à la manière d’une “ loi des suspects ” comme durant la Terreur de 1793. Dans les faits, l’accusation de génocide, ou la menace d’accusation, est devenue une arme faisant partie de l’arsenal politique ordinaire. Entre autres, deux exemples significatifs. Celui de Pierre-Célestin Rwigema, Premier Ministre hutu, ayant succédé en août 1997 à Faustin Twagiramungu, démissionnaire et depuis exilé. Pierre-Célestin Rwigema fut accusé de participation active au génocide par des députés, eux-mêmes hutus, mais qui s’opposaient à lui à l’intérieur de son parti. Pour eux, c’était le meilleur moyen de se débarrasser de lui. La presse nationale révéla, en mars 1999, qu'une procédure avait bel et bien été ouverte par le parquet de Kigali. Les choses en restèrent là. Un an plus tard, le 28 février 2000, accusé cette fois-ci de corruption, le Premier Ministre fut finalement contraint de présenter sa démission. Un autre exemple est celui de Mgr Augustin Misago, l’évêque de Gikongoro. Depuis 1994, des accusations portant sur son attitude durant le génocide avaient été lancées contre lui, sans que toutefois aucune procédure ne fut engagée à son encontre. Lorsque le pouvoir a jugé le moment venu d’entamer une lutte ouverte contre l’Église catholique, toujours influente au Rwanda, il a fait arrêter le prélat, le 14 avril 1999, sous l’inculpation de génocide. Le procès, ouvert le 20 août de la même année, est toujours en cours.
Le nouveau régime a dû combattre des thèses selon lesquelles le massacre systématique des Tutsis en 1994 n’aurait pas été la réalisation d’un plan conçu par un groupe ayant accaparé les commandes de l’État, mais la conséquence d’une réaction populaire d’autodéfense dans le contexte de la guerre civile. Ce combat contre une forme de négation du génocide et ses propagandistes était et reste nécessaire. Cependant, en même temps qu’ils le menaient, les responsables du nouveau pouvoir ont instrumentalisé le génocide pour cautionner l’ensemble de leurs conduites. Instrumentalisation politique dans les négociations avec les bailleurs de fonds : pour peu que ces derniers n’approuvent pas inconditionnellement la politique de Kigali, manifestent le désir de contrôler l’utilisation des fonds, réclament que soit levé le silence sur les atteintes aux droits de l’homme, le discours officiel rappelle aussitôt la démission de la “ communauté internationale ” au moment du génocide et soupçonne ouvertement les récalcitrants de vouloir prêter main-forte aux “ génocideurs ”. Ainsi, l’abandon à leur sort des victimes du génocide, en 1994, par les grandes puissances obligerait-il ces dernières à se rendre solidaires, aujourd’hui, des violences extrêmes commises à l’intérieur et à l’extérieur du Rwanda par les nouveaux dirigeants. Comme si les massacres du passé pouvaient justifier les massacres du présent… Instrumentalisation économique également qui, par le détournement de l’aide extérieure, a permis l’enrichissement de dignitaires dont les demeures luxueuses sont surnommées par la voix populaire “ villas vive le génocide ”. Etrangement d’ailleurs, ce pouvoir expert en gestes propres à séduire les bailleurs de fonds, tels que la promotion d’institutions et l’organisation de colloques censées préparer la “ réconciliation ”, n’a créé qu’en 1998 un fonds d’aide destiné aux rescapés, qui, pour avoir tout perdu, vivent dans leur majorité très misérablement. Ce n’était apparemment pas une priorité.
De la sorte, le génocide est mis au service des intérêts d’une minorité au pouvoir, désireuse de s’y maintenir coûte que coûte. Or, il est encore une autre instrumentalisation, incomparablement plus lourde de conséquences, car elle menace l’avenir de la paix civile : celle qui consiste à criminaliser, en bloc, l’ethnie hutue. Le pouvoir a beau afficher une volonté d’éradication de l’ethnisme (des mesures vont effectivement dans ce sens, telles que la suppression de la mention ethnique sur les cartes d’identité nationale), il n’en reste pas moins que l’ethnisme contamine, plus que jamais, l’espace public sans que les dirigeants s’y opposent. Au contraire, des personnalités de premier plan se livrent à des déclarations publiques qui reviennent à globaliser la culpabilité des Rwandais hutus. Ainsi, le 3 mars 1999, devant un parterre de représentants d’ONG à l’Université libre de Bruxelles, l’ambassadeur du Rwanda en Belgique a soutenu qu’il y aurait eu deux millions de “ génocideurs ”, autant dire tous les hommes adultes. Ainsi encore, durant cette même année, le nouveau ministre de la Justice déclarait que, s’il fallait arrêter les paysans coupables de crimes de génocide, il n’y aurait plus d’hommes pour travailler sur les collines.
En réalité, la logique ethniste reste bien vivace au cœur des messages officiels, répétés sans relâche au plus hauts niveaux : tout Hutu est suspect puisque son ethnie s’est rendue coupable du génocide. C’est encore selon cette même logique que la qualité de victime n’est reconnue qu’aux seuls Tutsis. Elle annihile, passe sous silence le fait que de très nombreux Hutus ont été tués, eux et toute leur famille, sur ordre des responsables du génocide parce qu’ils étaient des opposants notoires à une politique de massacres. Dans certaines régions, également, des Hutus de tous les milieux sociaux furent mis à mort parce qu’ils étaient considérés comme alliés des Tutsis. Or l’histoire officielle du génocide ne prend en compte ni les victimes hutues des “ génocideurs ” ni les rescapés hutus du génocide. Enfin, des Hutus ont sauvé des Tutsis, au péril de leur propre vie. Cependant, le discours des autorités ne donne pas à ces “ justes ” la place qui devrait leur revenir et suspecte de “ négationnisme ” les projets visant à rappeler cette vérité, pourtant tournée vers un avenir meilleur.
L’armée du FPR s’est livrée, pendant la guerre, à des massacres de populations civiles, des massacres qui n’ont pas pris fin en juillet 1994. Ainsi, en avril 1995, à Kibeho, malgré la présence de témoins étrangers, de casques bleus de l’ONU et d’une équipe de Médecins sans frontières (MSF), des soldats de l’APR ont tiré sur la population non-armée d’un camp de déplacés hutus. Le bilan a été très lourd, plusieurs milliers de civils, dont les trois quarts des femmes et des enfants. En 1996/1997 dans l’ex-Zaïre, d’autres tueries à grande échelle, déjà mentionnées, ont été couvertes de la même justification sommaire : c’était tous des “ génocideurs ”. Dès lors, la dénonciation de telles hécatombes, aussi systématiques que préméditées, a été stigmatisée comme une complicité avec les auteurs ou apologistes du génocide.
Le 7 avril 1999, la commémoration annuelle du génocide a eu lieu à Kibeho. En ce même endroit où des milliers de Tutsis furent mis à mort en 1994, mais où a été également commis le massacre des déplacés hutus, il n’y pas eu un mot sur le sort de ces derniers. Au contraire, le président de la République a fait part d’une “ idée ” sur laquelle les responsables du pays devraient réfléchir : les actes de génocide ayant été commis “ au nom des Hutus ”, et même si tous n’y avaient pas participé, les Hutus ne devraient-ils pas demander collectivement le pardon d’un crime commis en leur nom ?
En novembre 1999, l’association Ibuka terminait le recensement des victimes du génocide en préfecture de Kibuye. Il avait été décidé de ne pas distinguer victimes tutsies et victimes hutues, ce que le Président d’Ibuka annonça en ces termes : “ D’avril à juillet 1994, un génocide fut perpétré au Rwanda. Plusieurs personnes, des Batutsi en particulier et tous ceux qui pouvaient s’identifier à eux soit par alliance, amitié ou même par leur physionomie dans les milieux non familiers y ont trouvé la mort la plus atroce […]. ”[4] Il ne s’agissait pas d’identification. Certes, des Hutus ont été tués à cause de leur physique qui les désignait comme Tutsis à leurs assassins. Mais ceux qui perdirent la vie parce que, amis ou alliés de Tutsis, ils cherchaient à les protéger pour des raisons morales ou politiques, agissaient en êtres humains, et non pas en simili-Tutsis s’opposant à des Hutus.
La politique ethniste du nouveau régime ne consiste donc pas uniquement en pratiques de confiscation des positions les plus avantageuses en faveur d’une minorité d’origine tutsie. Elle ne se concrétise pas non plus par les seules exactions de toute nature commises contre des Hutus. Elle va jusqu’à leur confisquer le droit à l’expression publique du deuil et de la douleur, jusqu’à interdire l’affirmation que des Hutus ont refusé la politique du pire. Ainsi, alors que des cérémonies collectives d’inhumation des victimes tutsies ont lieu depuis des années, ce travail de deuil demeure interdit, dénié aux Hutus. Une telle violence symbolique est lourde de conséquences.
L’éthique de
la performance
Fort de ce pouvoir d’intimidation que lui confère le statut de représentant des victimes d’un génocide, le régime de Kigali réduit au silence ses différents interlocuteurs en disqualifiant par avance toute critique. Diplomates et journalistes, agences internationales et ONG, individus et institutions de bonne volonté se laissent happer, dans leur majorité, par cette logique d’otages et contribuent ainsi au renforcement du discours officiel rwandais. Mais la posture spécifique des humanitaires est intéressante précisément en ce qu’ils sont les derniers que l’on s’attendrait à voir en compagnons de route de criminels. Tenter de déceler comment une démarche fondée sur le refus de l’indifférence devant l’horreur se met au service d’une tyrannie, c’est examiner les justifications et lieux communs moraux de tous les acteurs qui s’y laissent enfermer.
Pas plus que le reste de la “ Communauté internationale ”, les ONG humanitaires n’avaient perçu la montée de la violence et la dérive génocidaire du régime Habyarimana. Les rapports d’enquête de la FIDH mis en circulation avant le génocide n’avaient, par exemple, trouvé que peu d’écho en leur sein. Nombre d’entre elles sont pourtant convaincues de détenir, du seul fait de leur action, une connaissance immédiate et concrète des “ réalités de terrain ”. Cette illusion devrait avoir vécu, si l’on rapproche les discours et la réalité du mouvement humanitaire frappé de cécité collective face à la situation du Rwanda avant 1994. Il serait vain, cependant, de chercher l’explication de cet aveuglement dans d’inavouables complicités avec le gouvernement de l’époque. Loin de toute alliance cachée, le souci obsédant d’accomplir jusqu’à leur terme les programmes en cours en est le véritable moteur. La liste est longue de ces situations sur lesquelles les ONG ont étendu un voile leur permettant d’ignorer toute perturbation susceptible de mettre en cause leur action. Dans cette perspective, les qualités de technicité et de ténacité que l’on attend des humanitaires tiennent presque naturellement lieu d’éthique et dispensent les acteurs de l’aide de se projeter au-delà du périmètre de leurs opérations pour en examiner le sens réel et les conséquences. Une sorte de syndrome du “ Pont de la rivière Kwaï ”.
C’est d’ailleurs cette éthique de la performance qui a régné, à quelques notables exceptions près, dans les camps de réfugiés du Kivu, au Zaïre, après l’exode massif de juillet 1994. Cachés au sein de cette multitude, les cadres du régime rwandais déchu ont rapidement reconstitué l’appareil administratif et policier de contrôle de la population et une partie de leurs forces militaires, avec la complicité intéressée des soldats de Mobutu. Chantage, violences physiques, assassinats étaient monnaie courante dans ces camps encadrés par des criminels, développés et entretenus notamment avec les ressources fournies par les organisations internationales.
Conscientes de la perversité de cette situation, des ONG ont bien cherché à réagir, en appelant le Conseil de sécurité des Nations unies à envoyer une force de police pour séparer réfugiés et criminels. Boutros Boutros-Ghali, alors Secrétaire général de l’ONU, soutint et relaya cette demande auprès du Conseil de Sécurité, qui l’approuva formellement mais ne donna aucune suite. La routine humanitaire reprit alors le dessus : le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés couvrit l’affaire de son autorité morale et légale en accordant à tous les exilés le statut de réfugié et les ONG se remirent au travail[5] après cette fugitive révolte. Seuls comptaient désormais le fonctionnement des centres de nutrition et des dispensaires, l’approvisionnement en vivres des entrepôts, et autres attributs canoniques de la “ crise humanitaire ”. Le HCR et les ONG contribuèrent donc activement à l’amalgame réfugiés-tueurs en apportant leur caution à la stratégie victimaire du Hutu Power chassé du Rwanda, autrement dit en entretenant la fiction de ce tandem victime-secouriste tant prisé des journaux télévisés. Il n’y avait pas loin du “ tous victimes ” au “ tous coupables ”, dès lors que cette population était rassemblée sous une enseigne unique. C’est le pas qui fut franchi lors de l’attaque des camps par l’armée du FPR en novembre 1996. Les nombreuses opérations militaires qui en étaient parties en direction du Rwanda et la présence incontestable de milliers de criminels suffirent à faire passer cette punition collective pour un acte de légitime défense somme toute acceptable. On a dit plus haut les massacres qui suivirent.
Les humanitaires, privés et publics, qui s’étaient conformés si facilement aux attentes des extrémistes du Hutu Power sont allés de la même façon, du fait de leur refus persistant d’examiner leur position, au-devant de la volonté du pouvoir de Kigali. Les déterminants moraux de l’action demeuraient identiques, seul changeait le discours. À l’impérieux devoir de secours, quelles qu’en soient les contradictions, s’est ajouté en effet le culte de la Mémoire, quels qu’en soient les usages. Nombre d’ONG, reproduisant une posture très en vogue en Europe, ont repris mécaniquement à leur compte ce “ Devoir de mémoire ”, comme pour combler un déficit moral et en faire opportunément leur supplément d’âme. Relevons au passage le développement conjoint de l’humanitaire et de la Mémoire au cours des vingt dernières années du siècle, comme deux facettes d’un “ protocole compassionnel ”, remarquable ersatz de morale politique. Les souffrances du passé, inlassablement reprises dans un morbide ressassement collectif, font écran aux phénomènes politiques à la source des violences d’aujourd’hui. Seules demeurent les victimes, propulsées à l’avant-scène au hasard des calendriers politiques ou des engouements médiatiques pour être tout aussi brutalement reléguées peu après, derrière une autre actualité.
Célébrations, commémorations, actes de mémoire assidûment suivis, voire portés par les ONG actives au Rwanda, tiennent lieu de quitus moral à celles-ci, et du même coup à ceux qui prétendent parler au nom des victimes d’hier. Autrement dit au FPR. Cette Mémoire brûlante, que le pouvoir s’approprie au détriment des rescapés du massacre, est devenue un rituel de communion associant gouvernement, organisations humanitaires et diplomates dans une liturgie progressivement vidée de sens. Mais à défaut d’avoir du sens, cette liturgie a une fonction qui n’est pas mince : faire rejaillir l’innocence des victimes du génocide sur le gouvernement rwandais et permettre ainsi à une tyrannie de se draper dans un manteau de vertu. Les crimes du pouvoir de Kigali ne sont certes pas excusés si facilement par les différents officiants de ces grand-messes, mais ils sont ainsi dilués dans l’océan des crimes passés et perdent, du coup, toute visibilité ou sont rejetés dans le grand fourre-tout de la légitime défense. La morale, dont les ONG aiment tant à se réclamer, cette nouvelle citoyenneté dont elles se veulent les tenants privilégiés, se réduit peu à peu à un répertoire de slogans sur la justice et la réconciliation.
Rapports et enquêtes sur les
responsabilités du FPR
La politique de
terreur menée au Rwanda par le FPR a été dénoncée dès 1994. Pourtant, il y eut,
à de rares exceptions près, une sorte d’accord, entre cynisme et utopie, selon
les acteurs, pour ne pas accabler ceux qui avaient mis fin au génocide et
devaient faire face à une situation dramatique[6].
Des rapports émanant
de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU, ainsi que d’ONG
internationales, telles Human Rights Watch (HRW), la Fédération internationale
des ligues des droits de l’homme (FIDH), Amnesty International ont fait état,
en 1994, d’exactions et de massacres dont était responsable l’Armée patriotique
rwandaise (APR), branche militaire du Front Patriotique rwandais (FPR), devenue
la nouvelle armée nationale. Amnesty International relate des tueries de
populations civiles désarmées perpétrées par l’APR d’avril à août 1994[7]. Human Rights Watch/Africa publia, également
en 1994, le 15 septembre, un rapport sur divers massacres commis par le FPR
durant la même période[8]. Le rapporteur spécial de la Commission des Droits de
l’Homme (Nations Unies), René Dégni Ségui, dans un document du 11 novembre
1994, dénonce les graves atteintes aux
droits de l’homme pratiquées en toute impunité par des membres de l’APR, de
l’appareil administratif et judiciaire : arrestations arbitraires sous
couvert d’accusations de génocide, constitution de syndicats de délateurs, exécutions
sommaires d’individus et de familles entières, enlèvements et disparitions[9].
Publié en 1999
par HRW et la FIDH, un très important rapport sur le génocide traite à nouveau
des tueries et des exactions dues au FPR entre avril et juillet 1994[10]. Outre les enquêtes menées par ces
organisations, ce rapport rappelle les investigations d’un envoyé du HCR,
Robert Gersony, qui, en 1994, faisait état
d’atrocités systématiques commises contre la population hutue par le FPR.
Ces données ne furent pas rendues publiques par le secrétaire général de l’ONU.
L’année 1995
fut marquée par le massacre du camp de Kibeho : dans ce camp de déplacés
rwandais, du 20 au 24 avril, l’armée tua des milliers de civils non armés[11]. Le rapporteur spécial de la Commission des
Droits de l’Homme, René Dégni Ségui, le 29 janvier 1996, fit à nouveau état des
exactions, des exécutions sommaires et des disparitions touchant tous les
secteurs de la société[12].
Les années
1996-1997 virent le démantèlement armé des camps de réfugiés rwandais hutus au
Congo/Zaïre, qui fut suivi du massacre systématique de ceux qui fuyaient
l’avancée des forces rwandaises à l’intérieur du Congo. Le secrétaire général
des Nations Unies, dans sa lettre du 29 juin 1998 au président du Conseil de sécurité,
a souligné que les massacres commis par l’Armée patriotique rwandaise en
1996-1997, constituaient des crimes contre l’humanité[13].
La situation
intérieure du Rwanda continua à faire l’objet de dénonciations. De la part
d’Amnesty international qui publia, outre ses rapports annuels, plusieurs
rapports spécifiques sur les vagues de terreur, les arrestations arbitraires,
les pratiques judiciaires gagnées par la corruption[14]. En 1998, un rapport de la FIDH, reproduit
par la Commission des droits de l’homme de l’ONU, dénonça les meurtres et les
disparitions, observa que la situation très précaire des rescapés tutsis était
largement ignorée alors que la course à l’argent et la corruption devenaient
“ frénétiques ”[15].
Human Rights
Watch et Amnesty international ont chacune publié, en avril 2000, deux longs
rapports qui relatent les très graves violations des droits de l’homme,
imputables au gouvernement et à l’armée, dans tous les domaines[16].
Dans un
document du 31 mai 2000, Amnesty International dénonce massacres massifs de
civils et viols dont sont responsables, à l’est du Congo, au Kivu, les troupes
rwandaises, burundaises et ougandaises[17].
CV.
[1]. Organisation de la diaspora tutsie, le FPR a déclenché la guerre contre le régime du général-président Habyarimana le 1er octobre 1990 en attaquant depuis l’Ouganda voisin. Mené par Paul Kagamé, il a pris le pouvoir à Kigali en juillet 1994. Sa victoire a mis fin au génocide des Tutsis.
[2]. Voir la contribution ci-après de Marc Le Pape: “ L’exportation des massacres, du Rwanda au Congo-Zaïre ”.
[3]. Ce terme, signifiant “ ceux qui travaillent ensemble ”, désignait les miliciens de l'ex-parti unique, puis, par extension, les bandes organisées de tueurs durant le génocide. Depuis, le terme est utilisé de façon encore plus large au Rwanda pour dénoncer des Hutus suspects d'avoir participé au génocide, ou de continuer à entretenir l'extrêmisme ethnique.
[4]. L'association Ibuka ( ” Souviens-toi ” ) est l'organisation la plus connue et la plus influente de Rwandais tutsis rescapés du génocide.
[5]. À l’exception de Médecins
Sans Frontières, qui décida de quitter les camps en novembre 1994.
[6] . N’est citée qu’une partie des rapports et des enquêtes publiés par les organisations humanitaires. De nombreux autres documents ont été et sont accessibles au public qui informent sur les exactions et massacres commis par le FPR. Le thème “ on ne pouvait pas savoir … ” n’est, en l’occurrence, pas recevable.
[7] . Rwanda. L’armée patriotique rwandaise responsable d’homicides et d’enlèvements (avril-août 1994), Index AI : AFR 47/16/94.
[8] . Human Rights Watch : The Aftermath of Genocide in Rwanda : Absence of Prosecution, Continued Killings. Septembre 1994.
[9] . Nations Unies, Conseil économique et social —E/CN.4/1995/70, 11 novembre 199 (E/CN, 4/1995/7-28 juin 1994). Les éléments de ce rapport, incriminant l’armée et le gouvernement, seront à nouveau repris et développés à la suite d’une nouvelle enquête du Rapporteur au Rwanda : E/CN.4/1996/7-28 juin 1995. Rappelons que René Dégni Segui, chargé par la Commission des droits de l’homme de l’ONU, avait été l’auteur du rapport qui, en juin 1994, établissait la qualification de génocide en ce qui concernait les massacres perpétrés contre les Tutsis.
[10] . Human Rights Watch, Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda, Paris, Karthala, 1999.
[11] . HRW/FIDH, rapport du 25 avril 1995 ; Médecins sans frontières, rapport sur les événements de Kibeho.
[12] . Nations Unies, Conseil économique et social — E/CN.4/1996/68- 29 janvier 1996.
[13] . Nations Unies, Conseil de Sécurité, S/1998/581, 29 juin 1998.
[14] . Ces rapports sont trop nombreux pour être tous cités ici. Retenons celui du 25 septembre 1997 qui évaluait à 6000 le nombre des civils tués entre janvier et septembre 1997 (AFR 47/08/98), celui du 23 juin 1998, qui signalait la recrudescence des “ disparitions ” (AFR 47/26/98).
[15] . Nations Unies, Conseil économique et social —E/CN.4/1998/NGO/79-20 janvier 1998.
[16] . Human Rights Watch, "Security" Used to Cover Abuses Against Tutsi and Hutu. Killings, Torture by Rwandan Soldiers, 27 avril 2000, vol12, 1(A) ; Amnesty international, Rwanda. The troubled course of justice, 26 avril 2000, AFR 47/10/00.
[17] . Amnesty International, Congo (DRC). Massive violations kill human decency, AFR 62/011/2000.