Temps Modernes, 583, juillet-août 1995

 

 

Marc Le Pape*

 

 

 

Des journalistes au Rwanda

L’histoire immédiate d’un génocide

 

 

Cet article ne résume pas ce que l’on pouvait connaître et comprendre du Rwanda, en lisant les journaux. Il ne s’agit pas non plus d’opposer aux journalistes d’autres savoirs qui, après coup, justifieraient des jugements sur leur pratique. Quand les massacres ont commencé, en avril, aucune source d’information ne paraissait suffisante, ni un journal particulier, ni la radio (je parle de RFI). Ce n’est pas tant les “explications” qui manquaient, des explications générales ont été rapidement publiées[1], c’était de réaliser le désastre : savoir si des personnes connues pouvaient y avoir échappé, et des questions moins individuelles : y-a-t-il des limites aux tueries, à l’expansion des massacres ? Cela va-t-il durer ? On ne peut pas demander aux journalistes d’être exceptionnels, plus clairvoyants que tout le monde et de connaître l’imprévisible. Je crois, qu’après coup, il ne s’agit pas non plus de faire comme s’ils avaient pu être “meilleurs”. Je cherche surtout à saisir dans la pratique des journalistes la tension entre interprétation et description, entre savoirs d’enquête et logiques d’interprétation - tension qui, en France, s’insère dans un affrontement virulent, tranché (et qui dure encore) sur les responsabilités, les interprétations générales et sur les engagements français au Rwanda.

 

Les récits de massacres, de situations extrêmes suscitent couramment des sentiments d’irréalité. Il ne s’agit pas d’un doute raisonné, ceci a souvent été reconnu. Actuellement, on peut observer que la fréquence avec laquelle des situations extrêmes sont montrées renforce la demande de preuves, d’informations, d’analyses certifiant les responsabilités, la vérité des témoignages, la réalité des événements : ces demandes tiennent sans doute plus à l’influence des sentiments d’irréalité qu’à une culture de l’objectivité. Dans ces conditions, l’idée qu’on ne peut pas vraiment savoir et comprendre se déclare acceptable sans qu’il apparaisse vraiment indispensable de la justifier.

 

En France, les quotidiens nationaux d’information ont publié des informations sur le Rwanda de manière régulière entre le 7 avril et le mois d’août 1994 ; cet intérêt a été important avant que les problèmes liés à l’exode et à l’épidémie de choléra ne passent au premier plan, en juillet. Je me réfère principalement, dans cinq quotidiens français - La Croix, Le Figaro, Le Monde, L’Humanité, Libération -, aux articles publiés par les envoyés spéciaux au Rwanda, articles où ils rendent compte des massacres en cours.

 

“LES RÉCITS DES MASSACRES AFFLUENT...” KIGALI, AVRIL 1994

 

Le caractère exceptionnel des massacres commis à partir du 6 avril 1994 a été rapidement compris et mis en évidence par les journalistes présents au Rwanda.

En France, les 11 et 12 avril, paraissaient trois articles d’envoyés spéciaux[2]. Qu’apprennent les journalistes, début avril, à Kigali ?

Jean-Philippe Ceppi - Libération 11 avril - montre le caractère systématique et concerté de l’extermination.

“La chasse aux Tutsis et aux membres de l’opposition a commencé dès l’annonce de la mort de l’ex-président. Munis de listes, les hommes de la garde présidentielle ont été les premiers à lancer la traque sanglante, rapidement rejoints par les Intérahamé [les miliciens]. Maison par maison. Les Tutsis, dénoncés par les voisins ou par la police, sont massacrés par familles entières. En cas de doute, les assassins demandent la carte d’identité où est mentionnée l’origine.” Ceppi décrit la cour de l’hôpital, “l’entassement des corps”, l’exécution de sept blessés par des militaires. Les bruits d’artillerie signalent-ils une offensive du FPR pour prendre Kigali ?  “[...] avant qu’ils [les rebelles du FPR] ne s’en emparent, pour autant qu’ils le puissent, le génocide des Tutsis de Kigali aura probablement eu lieu.”

Renaud Girard - Le Figaro, 12 avril - rejoint Kigali par la route. Il vient du Burundi, passe à Butare, constate que cette ville est “épargnée jusqu’à présent”[3]. A Kigali[4], rafales d’armes automatiques, explosions d’obus, camions “remplis” de cadavres. Des barrages : “A côté de soldats ruandais désinvoltes, de jeunes civils excités armés de machettes, d’arcs et de flèches scrutent d’un air méfiant l’intérieur de notre voiture.” Girard interroge un expatrié belge : “De la terrasse, j’ai pu voir les soldats procéder à leur chasse à l’homme aux Tutsis dans la rue voisine. Ils avaient des listes. Ils entraient dans les maisons, faisaient sortir les gens et les abattaient sans autre forme de procès. A la fin du massacre, ils applaudissaient et puis s’en allaient.”

Jean Hélène - Le Monde, 12 avril, publie le témoignage d’un prêtre sur le massacre d’une centaine de personnes, “des Tutsis en majorité”, réfugiées dans une mission de Kigali. Il y a des cadavres dans les rues, dans la cour de l’hôpital. La ville est contrôlée par des miliciens et des militaires. “Les miliciens tiennent des barrages, armés jusqu’au dent : machettes, gourdins, arcs et flèches, poignards. Certains brandissent fièrement une grenade.” Les soldats “ont tué sept blessés dans l’enceinte de l’hôpital”. “On craint ici que les derniers Tutsis de la capitale soient massacrés avant que les troupes du FPR ne l’ait atteinte.”

 

Les journalistes voient des barrages tenus par de jeunes civils armés et des soldats, des camions remplis de corps, ils entendent des bruits de combats “aux portes de la ville”. Ils enregistrent des récits et des déclarations.

Le Monde : J. Hélène commence par restituer la stupeur d’un prêtre, témoin direct - “Il ne comprend pas comment les gens du quartier, ses propres paroissiens, ont pu commettre une telle tuerie”. L’ensemble de l’article est plus orienté sur les secours que sur les massacres mêmes, sur les institutions de secours et les déclarations de leurs porte-parole que sur le déroulement des tueries, il rend compte des rôles officiels bien plus que des actions. Ainsi : le contexte politique est décrit en reproduisant l’interprétation donnée par le “premier ministre” rwandais, mais sans que soit situé le pouvoir et les responsabilités de ce dernier par rapport à l’armée et aux milices, par rapport aux événements, comme s’il s’agissait d’un premier ministre en temps ordinaire. J. H. juxtapose des scènes vues, des faits, et les interprétations livrées par des hommes d’organisation : délégué du CICR, commandant des forces de l’ONU, premier ministre, représentant du Front patriotique rwandais.

Les jours qui suivent, l’information porte sur la guerre et les massacres : incertitude sur la stratégie du Front patriotique et sur la situation militaire, qui ne sont  traitées qu’à partir d’une source gouvernementale (Le Monde, 13 avril [5]). J. H. publie à la fois le point de vue selon lequel on assiste à un apaisement, à “une progressive restauration de l’ordre” et  des informations sur les violences qui se poursuivent, les rançons versées aux militaires pour fuir - “l’escorte vaut cher” -, la difficulté de trouver un lieu de refuge, le maintien des barrages tenus par les miliciens, où toute personne accusée d’être tutsi est suspecte et “immédiatement massacrée” (15 avril[6]). Le 16 avril, l’article de J. H. est principalement consacré à déterminer la situation des forces militaires : quelles positions occupent les “maquisards”, quels quartiers contrôlent-ils ? 

 

Le Figaro - R. Girard (12 avril) juxtapose récit personnel, témoignages et interrogation politique. Il reporte ce qu’un expatrié belge a vu des premiers massacres. Il décrit des traces du désastre, observées en circulant à Kigali. Il constate que “le massacre des civils semble avoir cessé” et dénonce la responsabilité de l’armée rwandaise qui “poursuit sa traque des militants armés du Front patriotique du Rwanda” . En distinguant massacre des civils et traque des militants armés, ce texte engage une interrogation ; les massacres massifs semblent avoir cessé (massacres auxquels l’armée a pris part, selon le témoignage visuel cité), mais l’armée continue des exécutions : s’agit-il  d’actes de guerre ? Le journaliste ne reproduit pas ce que les auteurs de ces actes déclarent pour les justifier.

 

Libération -  L’article de J.-Ph. Ceppi (11 avril) est centré sur les massacres : il décrit les pratiques et l’organisation des tueurs, comment et qui ils tuent (des familles entières, certaines tutsi, d’autres hutu), les corps mutilés, dans quelles conditions et avec quelles aides des personnes menacées s’échappent malgré le quadrillage de la ville. En fin de texte Ceppi note que l’on manque d’informations certaines sur le contexte militaire.

 La réflexion engagée dans le reportage du Figaro est traitée également par Ceppi : en distinguant les massacres et la guerre. Distinguer ne veut pas dire dissocier. Ceppi lui-même, et d’autres, décriront les conséquences de la guerre pour la population menacée de massacre (bombardements d’églises, d’hôpitaux, d’un stade, échanges d’otages...), le contrôle des massacreurs par des forces politiques et militaires qui font aussi la guerre, mais ils montreront qu’il faut  distinguer de la guerre la politique des massacres et la mise en oeuvre du génocide. Ces journalistes donnent des explications vraisemblables de la guerre, par les ambitions militaires, par les calculs politiques, par le sabotage de la solution pacifique, etc..., ils ne découvrent pas de cohérences vraisemblables, convaincantes pour expliquer les massacres. Ils montrent des effets de la guerre, du contexte politique, mais ces interprétations n’ont pas de prise sur ce qu’il y a de plus sombre, de plus inquiétant. Seule reste la description.

A la différence de J. Hélène (13 avril), Ceppi (11 avril) ne publie aucun élément du discours que tiennent les autorités rwandaises - discours qui a précisément pour objectif de donner un alibi aux massacres en les présentant comme des actes justifiés par la guerre : les victimes sont des ennemis “tués par la population”.

 

Ces premiers reportages rendent tous compte de la gravité des massacres, moins d’une semaine après leur déclenchement. Mais ils diffèrent par les manières de lier guerre et massacres ; par le fait de publier ou non le schéma officiel, discours des autorités gouvernementales qui présente les massacres comme une réaction populaire spontanée, “justifiée” par la menace militaire et l’infiltration de rebelles. Il ne s’agit pas de dire que le journaliste qui cite ce discours y croit car, à côté de ce schéma, il publie des faits qui le contredisent : il s’agit de déterminer quelles compréhensions des événements communiquent  ces élaborations différentes de l’information. C’est la concordance entre ce qui est établi à partir de sources institutionnelles d’une part, d’observations directes, de témoignages d’autre part qui est en question, dans un contexte où le Front patriotique (FPR) et les “durs” (membres du gouvernement et de l’appareil d’État  rwandais) se livrent, depuis des années, une guerre idéologique, en même temps qu’ils se combattent par les armes. Ainsi, la dénonciation de l’ennemi de l’intérieur, du rebelle infiltré n’est pas nouvelle en 1994, elle n’a pas été découverte à ce moment[7]. Elle circulait depuis plusieurs années, propagée par des agents de l’État et d’administrations locales, elle autorisait la haine et multipliait les suspects. Ce qui fait problème dans ces premiers articles de Jean Hélène, c’est qu’il ne marque pas de manière nette la ligne de partage entre réalité et propagande, entre nouvelles et rumeurs. Il traite une déclaration de premier ministre comme une information sur les événements, alors que cette déclaration n’appporte rien d’autre que la répétition du schéma des suspects : l’argument de la contre-violence populaire[8].

 

HORS DE KIGALI

 REPORTAGES ET TÉMOIGNAGES

 

Je ne rends pas compte de tous les articles parus sur le Rwanda, en effet, au même moment où les envoyés spéciaux montrent ce qu’ils découvrent des massacres, les journaux donnent une place importante à d’autres approches de la situation : correspondances de guerre, analyses diplomatiques, déclarations, libres opinions, textes d’universitaires spécialistes de la région, papiers d’investigation (qui sont les auteurs de l’attentat du 6 avril ? D’où viennent les armes des forces militaires rwandaises, du FPR ? Où s’exilent les “génocideurs” ?), reportages humanitaires, “explications” du conflit, etc. Ceci doit être rappelé pour démentir une appréciation devenue courante (en 1995) parmi ceux qui restent concernés par le Rwanda : l’investissement de la presse aurait été plus important au moment de l’exode et du choléra (à partir du 15 juillet 1994) que pendant la période de massacres et de guerre. L’engagement des quotidiens a en effet été plus spectaculaire au cours de la crise humanitaire, mais ce jugement s’attache trop au spectaculaire (interventions des rédacteurs en chef, augmentation du nombre des envoyés spéciaux, place accordée aux reportages photographiques). Avant le 15 juillet, les quotidiens ont  régulièrement consacré, à l’actualité rwandaise, une place importante, tout à fait inhabituelle pour les guerres et les événements d’Afrique.

 

Il me semble utile de présenter la chronologie des textes consacrés par des envoyés spéciaux aux descriptions de massacres hors de Kigali - cela fait notamment ressortir les convergences entre pratiques des journalistes, quel que soit le quotidien où ils publient. Ces textes sont composés principalement de témoignages et de descriptions des lieux où les massacres ont été commis. Les témoignages de rescapés sont recueillis hors du Rwanda et dans les zones de fuite. Il paraîtra des récits faits par les exécutants, mais plus tardivement - la plupart dans les reportages effectués sur le territoire de l’intervention française Turquoise : les responsables ont alors cru recevoir une protection de la France, et ne pas avoir à cacher les tueries qu’ils avaient décidées et dirigées.  

Dans une première phase, les journalistes enquêtent à Kigali, ils n’ont une expérience directe que des événements de la capitale. Sur la généralisation des massacres, La Croix[9] (12, 17, 28 avril, 18 mai) fait paraître des informations provenant d’organisations humanitaires, de religieux, de rescapés.

Libération est le premier quotidien qui publie un reportage sur des tueries hors de Kigali (19 avril)[10]. L’Humanité a un envoyé spécial à partir du 27 avril, c’est ce quotidien qui, en mai, donne le plus de place à la connaissance des tueries hors de Kigali[11]. Puis fin mai et début juin, tous les quotidiens présentent de longs articles traitant des massacres commis au nord-est du pays, avant que ces régions ne passent sous le contrôle du Front patriotique[12].

En mai et juin également, quand la situation militaire évolue nettement en faveur du FPR,  plusieurs reportages montrent la poursuite et la méthode des tueries[13]. Fin juin, l’intervention de l’armée française entraîne une concentration de journalistes et un nouvel ensemble d’enquêtes sur ce qu’ont été les massacres et le fait qu’ils continuent[14].

 

En avril et mai, ce que l’on (les journalistes) sait provient de témoins visuels, qui étaient menacés, certains ont pu se cacher, d’autres ont pu fuir[15] ; il y a également des témoignages de personnes épargnées[16] ou qui ne constituaient pas des cibles ; enfin les hommes du Front patriotique racontent ce qu’ils ont trouvé dans les zones dont ils prennent le contrôle. Ces témoignages ont des traits communs quel que soit le lieu où ils aient été recueillis, quels que soient leurs auteurs : les massacres sont exécutés par des groupes qui obéissent à des chefs, parmi les chefs il y a des autorités locales (bourgmestres[17]) et politiques connues (leurs noms sont précisés), les gens tuaient surtout à l’arme blanche mais des grenades et des fusils ont été utilisés, dans plusieurs cas des militaires et des gendarmes participent aux tueries, il y a eu des tentatives de résistance collective, les familles entières sont exécutées, les manières de tuer vont de l’exécution par balle à des actes d’extrême cruauté, on mutile les cadavres. Seuls certains témoins évoquent une large participation aux massacres (Le Figaro, 24 mai, L’Evénement du Jeudi, 19 mai, Le Monde, 2 juin) et pas seulement celle des groupes de miliciens, aucun témoin ne décrit une tuerie qui paraîtrait désordonnée et spontanée.

Lorsque l’armée française intervient, fin juin, les journalistes sont à nouveau confrontés à cette réalité des massacres. Ils circulent en groupe, rencontrent les mêmes témoins, les militaires découvrent des charniers et des rescapés. Journalistes et militaires ont également pour interlocuteurs les autorités locales, des instituteurs, des gendarmes, dont certains expliquent pourquoi ils ont tué et comment ; journalistes et militaires constatent que, dans la zone où ils arrivent, les crimes continuent. Dans ces articles, les journalistes caractérisent les exécutants parfois comme des miliciens organisés (ou “des extrémistes hutu”), parfois comme “les Hutus” ou “les villageois hutu”, tous les témoignages qu’ils font paraître soulignent l’encadrement exercé par les autorités locales (préfet, bourgmestres) et l’armée.

 

Différences entre Le Figaro (27, 29 juin, 2, 5 juillet) et Le Monde (26 juin, 2, 3 juillet). Les reporters du Figaro publient des enquêtes sur le processus des massacres, il ne s’agit pas seulement de reconnaître que ces articles sont plus concrets, qu’ils rassemblent de nombreux témoignages et accordent de l’importance à la description de situations locales. Ce qui compte c’est que, face aux massacres, ils instituent une attitude d’enquête. Ainsi chaque massacre perd son caractère de déflagration, de panique, d’irruption de haine, devient un événement auquel ne participent pas que des bourreaux et des victimes, qui ne se déroule pas dans un chaos général où l’État, l’administration, les rappports d’autorité et les liens sociaux auraient disparu.

L’une des enquêtes (29 juin) a lieu dans un village. Il s’agit d’un dialogue entre des militaires français d’une part, un instituteur et un policier d’autre part. Ce dernier déclare que les policiers ont tué avec les villageois. Les enfants aussi sont tués : “les enfants des complices sont des complices”. L’instituteur dit qu’il a lui-même tué des enfants. Les policiers ont été envoyés dans ce village sur ordre du bourgmestre. Ils devaient tuer “tous les Tutsis”, parce que ceux-ci sont des “malfaiteurs”, des “complices du FPR”, des “rebelles” qui préparaient une attaque, il y a des preuves : des écrits, “le préfet de Kibuyé m’a montré ces textes. Il est d’ailleurs venu ici pour vérifier comment ça se passait”. Sur la place du village, il y a un rassemblement  “de dizaines de villageois hutus, tous armés de machettes. « Ce soir, on va encore attaquer les malfaisant s », lance l’un d’eux”.

 

Dans le même contexte[18], les correspondances du Monde ont un caractère panoramique. A cette date, Le Monde (Jean Hélène, 26 juin) ne reprend pas l’enquête sur les massacres, ce qui représente déjà une différence. Une seconde différence tient au principe de symétrie sur lequel est bâti cet article : symétrie entre deux violences, entre ce que certains ont subi de la part du FPR et ce que d’autres subissent du camp gouvernemental. Jean Hélène effectue le parcours collectif des journalistes qui suivent l’entrée au Rwanda d’un détachement militaire français (cf. La Croix, Le Figaro, L’Express...), il passe dans la commune citée par Saint-Exupéry, décrit la visite d’un camp de réfugiés qui fuient l’avancée du FPR, transcrit les témoignages de deux réfugiés, puis une déclaration selon laquelle il n’y aurait pas eu de massacres à Kirambo (c’est “la version officielle”) ; le journaliste cite un religieux qui n’insiste pas trop sur les massacres (le journaliste insère alors une question qu’il se pose et qui n’a pas de réponse : combien d’assassins parmi les villageois ? “Pas la moindre trace de culpabilité”), puis le reporter se déplace vers un camp de Tutsis, il cite le témoignage d’un fermier tutsi qui raconte comment il a été conduit et enfermé dans un stade, pour être protégé ; de ce stade, les militaires gouvernementaux tiraient chaque jour des suspects qu’on ne revoyait pas.

Je ne sais pas si la symétrie est un style rédactionnel (qui ne tient pas aux événements), ou bien si elle est choisie pour exprimer qu’il y a une symétrie réelle entre des violences commises par les deux camps. Mais cette démarche a un effet, elle concrétise une interprétation en termes de violences générales, de violences partagées. La différence est profonde avec l’attitude qui consiste à enquêter sur l’exécution du génocide en excluant de le traiter comme un élément de la situation parmi d’autres (la guerre, les affrontements politiques, les exodes...).

 


L’OBSERVATION DES MASSACRES, À KIGALI

 

Le travail des journalistes à Kigali diffère des reportages dans les autres parties et villes du Rwanda. A Kigali, il prend la forme de passages répétés des mêmes journalistes, ou d’une présence continue des envoyés d’un journal   (Libération, AFP).

Au mois de mai 1994, tous les reportages montrent la ville divisée en deux zones ennemies. A l’intérieur de la zone gouvernementale, les personnes qui ont échappé aux massacres, mais continuent d’être menacées, sont maintenues dans quelques lieux-refuges - hôtel, églises, hôpital. Ce sont des lieux-clefs où interviennent toutes les parties prenantes : miliciens, forces militaires, agents de l’État rwandais, institutions internationales, ONG, religieux, et ce sont pour les journalistes des lieux où se montrent encore les enchaînements d’actes, d’initiatives, ou d’absences d’initiatives, nécessaires à l’exécution de tueries[19].

En mai et juin, il y a toujours des massacres dans les rues de Kigali, mais la plupart de ceux qui vivent et sont en danger ont pu se mettre à l’abri, sont regroupés. Ils ne sont pas sauvés, il y aura plusieurs tueries de groupe (les 10 et 14 juin, en particulier) , il y a des sélections de victimes parmi ces réfugiés et les miliciens menacent d’en sélectionner plus.

Plusieurs journalistes rendent compte de ces situations. Ces articles montrent les dimensions pratiques des tueries. Alain Frilet suit les déplacements et l’enquête d’un général ghanéen (Libération, 17 juin)[20] : un milicien arrête le convoi des Nations Unies, le milicien est seul, il réclame un laisser-passer du préfet. Il faut négocier avec le préfet, qui, “au bout de deux heures”, accepte d’accompagner les casques bleus. Ils entrent à l’église de la Sainte-Famille, puis à la paroisse Saint Paul - elle abrite “environ 1 500 réfugiés”, le 14 juin, des miliciens y ont pris “53 jeunes hommes” et les ont “emmenés”. A. Frilet décrit une scène dont il est le témoin visuel : plusieurs réfugiés de Saint Paul lui montrent une femme, conseillère municipale de Kigali, elle est là avec le préfet, c’est elle qui a apporté (le 14 juin) une liste de personnes à enlever, la liste était signée du bourgmestre, du préfet et du ministère des Forces armées. Un abbé (Wenceslas Munyeshyaka[21]) reconnaît avoir autorisé les miliciens à agir “au vu du document”.

D’autres journalistes (Ceppi, Libération ; Girard, Le Figaro) ont également montré ce qui se passait au cours d’événements dont ils étaient les témoins à Kigali. Aux barrages routiers, au cours d’opérations d’échange de réfugiés, à l’intérieur des lieux de refuge (églises, hôpitaux, hôtels), ils voient coopérer des responsables publics (militaires et civils) et des responsables miliciens, ils voient une situation où des autorités agissent, dirigent parfois les miliciens, ils observent des événements ordonnés.

L’ordre politique officiel a contrôlé l’action des miliciens, des militaires participèrent directement aux massacres ou facilitaient leur exécution, ces faits sont actuellement (en février 1995) reconnus, des enquêtes et des témoignages ont été publiés, qui contiennent des informations bien plus précises et détaillées que celles diffusées entre avril et juillet 1994[22]. Mais ces faits ont été connus dès avril - ils étaient alors pris dans un contexte d’affrontements et de polémiques sur les causes des tueries, sur les responsabilités des forces internationales présentes au Rwanda depuis 1990 (Belgique, France, ONU) et même sur la réalité du génocide. Affirmer la dimension politique et le caractère organisé des massacres allait contre des interprétations admises, influentes. En particulier contre l’explication par les haines ethniques.

Il y avait ce contexte polémique, des informations aujourd’hui vérifiées  paraissaient alors partisanes ; je relis le travail des journalistes de la presse écrite sans le dissocier de ces polémiques, de l’extraordinaire tension politique suscitée par le Rwanda. Même dans ce contexte de polémiques très dures, l’histoire immédiate des massacres a pu être engagée : par les journalistes de la presse écrite, quand ils travaillent en témoins, en témoins oculaires de cette actualité où les massacres ont duré plusieurs mois. Je ne dis pas que ces articles échappent à toute influence de schémas interprétatifs, je dis que le rédacteur, en restituant le contexte de son travail, en distinguant nettement ce dont il est témoin d’autres informations, prend des mesures pour contenir l’influence des schémas interprétatifs[23], communiquer ce qu’il voit. Ce type de reportage ne représente qu’une partie réduite de l’ensemble des papiers consacrés au Rwanda entre avril et juillet 1994.

 

LA POLITIQUE ET LA HAINE

 

Je ne présente pas toutes les explications du génocide des Rwandais tutsi. Je ne traite que des catégories, des explications, des arguments utilisés dans les textes des envoyés spéciaux au Rwanda, de la manière dont ces idées s’insèrent dans les reportages, contribuent à en influencer le sens.

Comment expliquer ?

Par le recours à des interprétations ethnistes, à des logiques communautaires.

Par la force d’un encadrement centralisé contrôlant des milices armées, par la propagande [le raisonnement identitaire oppose à cela que l’endoctrinement et la violence d’Etat ne peuvent pas expliquer l’enfer, l’espèce de Saint-Barthélemy, la folie collective qui s’est emparée du pays[24]].

Stephen Smith[25] (Libération, 27 mai 1994) retient toutes ces explications : le Rwanda est une terre de massacres à répétition provoqués par les haines ethniques (elles  se sont  forgées pour une part dans la période moderne) ; on tue parce qu’on a peur ; les réflexes meurtriers existent dans les deux communautés (même si du côté FPR il peut s’agir actuellement - en avril et mai - de contre-violence) ; les attaques contre des Tutsi et des opposants se préparaient au sommet de l’Etat rwandais avant le 6 avril, l’extermination a été dirigée et encadrée de l’intérieur de l’appareil d’Etat ; ni les liens religieux, ni les liens politiques n’affaiblissent plus racisme ethnique et tribalisme.

Il y a deux lectures possibles de ce type d’article, où l’auteur additionne les explications, en insistant autant sur la haine ethnique que sur l’organisation des tueries (présentées par les organisateurs comme un acte spontané du peuple) :

L’antagonisme ethnique est créé et recréé historiquement, mais à force d’avoir été et d’être exploité, théorisé, légalisé, il prend une telle force d’entraînement qu’il faut que des individus fassent preuve d’une rare capacité de résistance pour ne pas suivre.

L’antagonisme ethnique a été inventé historiquement, mais à force de massacres, il existe maintenant deux communautés dressées l’une contre l’autre et une paranoïa générale. Les hommes au pouvoir n’ont eu qu’à exploiter des réflexes meurtriers.

Dans un reportage au sud du Rwanda, qui paraît également le 27 mai[26], Smith donne d’abord une place importante aux témoignages qui insistent sur l’organisation de la terreur et de l’extermination, puis il présente le témoignage d’un abbé hutu : on n’échappera pas au cycle du soupçon systématique et des vengeances. L’article s’achève sur un montage : les agences internationales chargées des réfugiés sont sur place, parallèlement et à côté les miliciens contrôlent la ville de Butare et continuent de tuer. Cette présentation retient à la fois les deux explications de la terreur : une terreur préparée et ordonnée par des cadres politiques, un mécanisme de haine réciproque qui n’a plus d’arrêt.

Pour suivre le déploiement de l’opération Turquoise, Jean d’Ormesson effectue un reportage au sud-ouest du Rwanda : “Ce qui est au coeur du drame du Rwanda, ce qui le fonde, ce qui lui donne son caractère spécifique et atroce, c’est la haine mutuelle des Tutsis et des Hutus.”

A vrai dire les mots de Jean d’Ormesson et de Stephen Smith diffèrent peu, même s’il y a entre les deux reporters une différence lorsqu’il s’agit de condenser par une idée l’explication essentielle des massacres. Au coeur du drame, la haine mutuelle, pour d’Ormesson ; et, selon Smith : “A moins de confondre dans un même soupir humanitaire toutes les victimes et toutes les souffrances, ce drame est politique et non tribal”[27]. Présentées ainsi, les deux idées s’opposent. Pourtant, dans le travail de reportage, cette différence s’atténue dès que d’Ormesson se réfère non à des opinions (“on a pu dire..”, “on raconte que..”, etc...) mais à des témoignages sur l’exécution des massacres :

“Je me suis attardé sur l’exemple de Kibuye parce que j’ai visité les lieux où ont péri sous les grenades et sous les coups de machette quelque 15 000 victimes et sur le récit de Jean-Baptiste [un jeune Tutsi qui a réussi à s’échapper du stade de Kibuye où environ 6 000 personnes ont été liquidées] parce que je me suis entretenu longuement avec lui”. En détaillant l’exemple de Kibuye, d’Ormesson montre qu’il n’ignore pas l’engagement des autorités locales (“le préfet porte la responsabilité des massacres”), pourtant son texte fait avant tout ressortir la force illimitée de la haine, “l’engrenage de la haine et de la violence”.

Il y a une conviction dominante dans ces reportages de Jean d’Ormesson : le pessimisme de l’identité, le destin de la haine entre communautés ennemies. Je ne peux que retenir ceci : qu’entre Rwandais, ce qu’il y a toujours de plus fort ce sont les passions liées à l’appartenance ethnique - même s’il  existe des exceptions, la haine ethnique est plus mobilisatrice que toute autre tradition.

 

LE MODÈLE DU PIRE

 

Les massacres d’avril-mai-juin au Rwanda ont été rendus publics par la presse écrite dès qu’ils ont commencé et pendant toute leur durée. Ils n’ont pas été expliqués mais ils ont été décrits. Je crois que la somme des descriptions et des enquêtes publiées en France par les quotidiens et quelques hebdomadaires a livré assez  d’observations, d’informations pour que les lecteurs réalisent ce qui se passait. L’accent mis sur les haines ethniques (ou communautaires) a rarement été dissocié d’un rappel des préparatifs, de l’encadrement des massacres par une partie de l’administration militaire et civile. Cependant, les journalistes pouvaient-ils éviter que les haines communautaires paraissent le mobile le plus intense des massacres ? C’est une représentation générique de l’Afrique qui est en cause, la représentation ethniste des champs politiques africains. Celle-ci a cru trouver au Rwanda la confirmation du pire - face à ce type de conviction, bloquée sur ses certitudes et très influente[28], le travail d’analyse se situe comme dans un autre monde.

Dans cet autre monde, journalistes, observateurs engagés et chercheurs dialoguent, ce qui n’empêche pas que le schéma ethniste garde son influence. Ainsi, quand, au cours de ces échanges, apparaît la question de la haine - comment expliquer cette haine entre communautés ? -, alors souvent le dialogue ne progresse plus. Cet arrêt est le signal d’un vrai problème : aussi préparés et annoncés qu’ils aient été, ce génocide et ces massacres politiques sont un événement qui n’était pas inscrit dans la fatalité d’un régime politique. Les mobiles et les contraintes présentés par Stephen Smith caractérisent la situation rwandaise mais n’expliquent pas l’événement. Seule l’histoire intérieure de ce génocide et des massacres permettra peut-être de penser la haine.

 



* . Sociologue, CNRS, Centre d’études africaines.

[1]. Dès avril, cf. Marc Lathuillère, “L’engrenage de la violence ethnique”, La Croix, 9 avril 1994 ; Stephen Smith, “Questions sur la nature du conflit”, Libération, 11 avril et “Le Rwanda et l’indifférence”, Libération, 13 avril ; Laurent Bijard, “Nos amis les tueurs”, Le Nouvel Observateur, 21 avril ; Jean-Pierre Chrétien, “Un nazisme tropical”, Libération, 26 avril ; Jean Hélène, “La malédiction d’une théorie coloniale”, Le Monde, 29 avril, etc..

[2]. Jean-Philippe Ceppi, “Kigali livré à la fureur des tueurs hutus”, Libération, 11 avril 1994. Renaud Girard, “Rwanda : voyage sur la route de l’horreur”, Le Figaro, 12 avril 1994. Jean Hélène, “Le Rwanda à feu et à sang”, Le Monde, 12 avril 1994.

[3]. Les massacres débuteront à Butare le 19 avril.

[4]. Un petit nombre d’Européens ont alors refusé de quitter le Rwanda. Parmi eux, plusieurs prêtres ont été des acteurs engagés qui ont sauvé des vies. Leurs récits ont été très recherchés et constitués en éléments d’information essentiels sur les massacres, en particulier par La Croix  et Le Figaro. Cf. “Rwanda : le combat singulier de Marc Vaiter”, Le Figaro, 16 mai 1994 ; “Un orphelinat dans la tourmente”, Le Monde, 8 juin; “Notre paroisse était comme un boat people”, La Croix, 16 juin ; “Deux cents orphelins dans la nuit”, Le Figaro, 21 juin ; “Le "journal de guerre" du père Maindron”, Le Figaro, 4 juillet ; “Le récit effaré du père Maindron”, La Croix, 5 juillet ; “Le journal du P. Otto Mayer”, La Croix, 6 juillet ; “L’hallucinant témoignage d’un curé du Rwanda”, L’Événement du Jeudi, 7-13 juillet.

A la différence de La Croix et du Figaro, Libération et Le Monde ont donné moins d’importance à ces récits. L’Humanité a publié de nombreux témoignages de prêtres, mais rwandais plutôt qu’européens.

[5]. Jean Hélène, “Rwanda : la capitale livrée à elle-même”, Le Monde, 13 avril 1994.

[6]. Jean Hélène, “Les combats continuent au Rwanda”, Le Monde, 15 avril 1994.

[7].Cf. Rapport de la Commission internationale d’enquête sur les violations des droits de l’homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 (7-21 janvier 1993), FIDH, Africa Watch, mars 1993. Ce rapport note que “de nombreuses exécutions ont été justifiées par le fait que les victimes étaient prétendument complices de l’envahisseur” (p. 63). L’argument de la contre-violence, de l’ennemi de l’intérieur, du suspect (avec la guerre, les adversaires intérieurs deviennent des ennemis) a été couramment utilisé au Rwanda depuis 1990 et auparavant ; en outre, c’est un schéma qui n’a rien de spécifiquement rwandais.

[8]. Dans le schéma des suspects, la violence “se donne toujours comme n’ayant pas commencé. La première violence c’est toujours l’autre qui la commet [...]” (Jean-Paul Sartre, Cahiers pour une morale, Gallimard, 1983, p. 192).

[9]. La Croix  n’a pas à ces dates de journalistes au Rwanda, mais une envoyée spéciale au Burundi (cf. La Croix, 17 et 18 avril).

[10]. Jean-Philippe Ceppi, “L’armée rwandaise laisse des charniers dans son sillage”, Libération, 19 avril 1994.

[11]. Cf. L’Humanité, 27, 30 avril, 2, 3, 10, 12, 18 mai, 1er, 6 juin 1994  (L’Humanité publie les mêmes témoignages à des dates différentes : le 30 avril et le 6 juin, témoignage de l’abbé Jean Léonard Nkuruniziza, le 12 mai et le 2 juin, une lettre de la région sud]. 

[12]. 24 mai - Le Figaro, P. de Saint-Exupéry, “Les abattoirs du Rwanda”.

2 juin - Le Monde, J. Hélène, “Un charnier à ciel ouvert”.

3 juin - La Croix, M. Malagardis, “Sur les traces du génocide”.

6 juin - L’Humanité, J. Chatain, “Massacre avec préméditation dans l’église de Zaza”.

8 juin - Le Monde, J. Hélène, “Rwanda : sur la route du génocide”

[13]. 27 mai - Libération, S. Smith, “A Butare, les bourreaux ont peur d’être victimes”.

28 mai - Le Monde, C. Lesnes, “Scènes d’exode au Rwanda”.

29 mai - Le Monde, C. Lesnes, “Rwanda : des Tutsis en sursis”.

1er juin - Le Figaro, P. de Saint-Exupéry, “Le crépuscule de Kigali”. L’Humanité,

2 juin - L’Humanité, J. Chatain, “De Nyamirambo à la colline des Tutsis, récit d’un génocide”.

28 juin - Libération, S. Smith, “A Butare, l’espoir se conjugue en français”.

[14]. 26-27 juin - Le Monde, J. Hélène, “Liesse chez les Hutus, soulagement chez les Tutsis”.

27 juin - Le Figaro,  F. Luizet, “Cris et murmures à Kibuyé”.

28 juin - La Croix, M. Castagnet, “Deux mètres hors du camp, tu es mort”.

29 juin - Le Figaro, P. de Saint-Exupéry, “Rwanda : les assassins racontent leurs massacres”. Libération, D. Garraud, “Le nettoyage ethnique continue dans les montagnes rwandaises”.

30 juin - L’Express, V. Hugeux, “Les oubliés de Biserero”. Le Nouvel Observateur, Laurent Bijard, “Le malin rôde encore...”. Le Figaro, F. Luizet, “Shangi, les vestiges du massacre”. La Croix, M. Castagnet, “Shangi, la cité de l’horreur”.

2 juillet - Le Figaro, F. Luizet, P. de Saint-Exupéry, “Les miraculés de Biserero”.

3 juillet - Le Monde, C. Lesnes, “Les soldats français débusquent des morts-vivants”.

4 juillet -Le Figaro, F. Luizet, “Le “journal de guerre” du père Maindron”.

5 juillet - La Croix, M. Castagnet, “Le récit effaré du père Maindron”. Le Figaro,  P. de Saint-Exupéry, “La “solution finale” du préfet de Kibuye”.

15 juillet - Libération, F. Aubenas, “Jean-Baptiste, qui voulait réconcilier Hutus et Tutsis”.

20 juillet - Le Figaro, J. d’Ormesson, “La drôle d’odeur de l’église de Kibuye”.

[15]. Jean-François Dupaquier a enquêté au Burundi. Cf. “Reportage au bout de l’enfer”, L’Evénement du Jeudi, 19-25 mai 1994.

[16]. Certaines personnes sont épargnées parce qu’elles versent de l’argent, d’autres sont informées à temps (par des gendarmes, par des militaires ou des civils avertis), d’autres sont cachées par des voisins (“hutus”), parfois par des prêtres ou des religieuses. Les témoins visuels, rescapés des massacres, expliquent d’abord comment il se fait qu’ils soient en vie, qu’ils aient pu échapper aux tueries : il ne s’agit pas d’imaginer une communauté de témoignage, ces personnes interviennent en tant que rescapés (cf. Shoshana Felman, “A l’âge du témoignage : Shoah de Claude Lanzmann”, in Au sujet de Shoah, Belin, 1990, p. 59, le problème d’une communauté de témoignage, p. 63, les témoins au second degré, p. 65).

[17]. Il s’agit de maires nommés.

[18]. Jean Hélène, “Liesse chez les Hutus, soulagement chez les Tutsis”, 26 juin.

[19] Correspondances d’envoyés spéciaux concernant la situation à Kigali, entre le

6 avril et juillet 1994 :

La Croix - Maria Malagardis, 1er, 16 juin. Agnès Rotivel, 13, 15, 22 juillet.

Le Figaro - Renaud Girard, 12 avril, 16, 17, 19 mai, 18, 20 juin.

Patrick de Saint-Exupéry - 1er juin, 25, 26 juillet.

Le Monde - Frédéric Fritscher, 29 juin, 2, 5, 6, 8 juillet.

Jean Hélène, 12, 13, 14, 15, 16 avril, 12, 17 mai, 5 juin.

L’Humanité - Jean Chatain, 15, 19, 20 juillet.

Libération - Jean-Philippe Ceppi, 11 avril, 25, 28, 30 mai, 4, 5, 6, 25 juillet.

Alain Frilet, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 20, 22, 23, 25, 27 juin.

Stephen Smith, 26 mai.

[20]. Alain Frilet, “Kigali, l’enfer de l’église Sainte-Famille”, Libération, 17 juin.

[21]. A propos de cet étrange abbé, cf. également Frédéric Fritscher, Le Monde, 1er juillet 1994.

[22]. Cf. Dialogue, n° 177, août-septembre 1994, Kigali, Bruxelles. Rakiya Omaar et Alex de Waal, Rwanda : Death, Despair and Defiance, African Rights, Londres, septembre 1994.

[23]. Dans certains textes qui se présentent comme des reportages, informations et descriptions paraissent parfois entièrement moulinées par les partis pris de l’auteur. Pour un cas extrême en ce sens, cf. Robert Lacontre, “Au Rwanda, Bill Clinton joue contre la France”, Le Figaro Magazine, 20 août 1994.

[24]. Jean d’Ormesson, “La drôle d’odeur de l’église de Kibuye”, Le Figaro, 20 juillet 1994. Les reportages de Jean d’Ormesson sont parus les 19, 20 et 21 juillet.

[25]. Stephen Smith (Libération) a à la fois effectué des reportages et publié des textes d’explication. Comme d’autres journalistes présents au Rwanda (J. Hélène, P. de Saint-Exupéry, J.-Ph. Ceppi, F. Fritscher, pour n’en citer que quelques-uns), il avait, avant avril 1994, une connaissance et une expérience de la région et de l’Afrique.

[26]. Stephen Smith, “A Butare, les bourreaux ont peur d’être victimes”, Libération, 27 mai 1994.

[27]. Stephen Smith, “Le Rwanda et l’indifférence”, Libération, 13 avril 1994.

[28]. Ce schéma influence les discours des principaux responsables politiques français, y compris, parfois, ceux du ministre des Affaires étrangères : dans un interview publié le 23 juin, il évoque l’affrontement “connu : majorité hutue contre minorité tutsie” (Jeune Afrique, 23-29 juin 1994), alors que dans d’autres textes, le ministre divise les Hutus en modérés et extrémistes, ces derniers exterminant les premiers (Libération, 16 juin 1994).